À la différence des hypermarchés, les supermarchés - et d'une manière générale les surfaces commerciales de taille moyenne - ont du mal à externaliser les prestations de propreté. Faute de budget. Face à ce constat, les professionnels du secteur jouent la carte des travaux exceptionnels et tentent de les convaincre de l'enjeu en termes d'image et de sérénité.

Une grande majorité des hypermarchés et des grandes surfaces commerciales externalisent les prestations de propreté pour se concentrer sur leur cœur de métier. Les surfaces de taille moyenne suivent une stratégie différente vis-à-vis du nettoyage. Elles génèrent néanmoins une activité poux les PME locales de la propreté. Les groupes s’intéressent à ce marché lorsqu’il s’agit de contrats régionaux ou nationaux. Il existe aussi des groupements d’entreprises régionales qui répondent à ce type d’appels d’offres.

Avec 60 salariés et un chiffre d'affaires de 1,4 M€ de chiffre d'affaires, Adapt Propreté Languedoc Roussillon en est un bon exemple : elle intervient notamment dans la distribution alimentaire et non alimentaire. « Nous travaillons notamment pour Bricoman », explique Florence Schmaltz, gérante de l’entreprise. Pour Bricoman à Béziers, celle-ci assure l’entretien quotidien à partir de 6 h 30 : la surface de vente, les locaux sociaux, les vestiaires et la régie en journée (balayage quotidien et passage de l’autolaveuse). « C’est le directeur du magasin qui tient à faire appel à un prestataire extérieur et il nous est fidèle », souligne Florence Schmaltz. Depuis 4 ans, Adapt Propreté LR travaille pour des surfaces alimentaires comme Leclerc et Intermarché. « Il n’existe pas de référencement obligatoire, souligne Florence Schmaltz. Pour les Intermarché par exemple, c’est le gestionnaire de l’établissement qui décide d’externaliser. Nous avons un client qui gère deux magasins pour lequel sous-traiter la propreté est un véritable souhait. Pour l’un, nous assurons la vitrerie, et pour l’autre, la vitrerie et l’entretien courant. » Auparavant, le nettoyage était assuré en interne. Un salarié est parti et le gestionnaire a décidé de sous-traiter. Adapt Propreté LR a ajusté le contrat de propreté avec une intervention le matin et une permanence l’après-midi. « La difficulté de gérer le personnel, qui effectuait le nettoyage ainsi que la mise en rayon, les a poussés à externaliser », ajoute Florence Schmaltz. Pour les établissements Leclerc, Adapt Propreté LR met à disposition une autolaveuse en cas d’incident en journée lorsqu’aucun agent n’est présent, avec le risque que le matériel soit malmené. « La direction du magasin doit donner les bonnes consignes aux bonnes personnes », signale Florence Schmaltz.

« Nous avons deux catégories de clients dans ce domaine : les grandes marques qui ont une implantation nationale et ouvrent des boutiques dans les centres-villes, les enseignes et chaînes de magasins », explique, pour sa part, Julien Gutfreund, directeur d’Allo Nettoyage (Meurthe-et-Moselle). L’entreprise compte une vingtaine de clients sur ce créneau.

 

Des raisons budgétaires

« Les surfaces commerciales moyennes, pour des raisons principalement budgétaires, font effectuer le nettoyage par leurs salariés polyvalents. Ils sont très souvent en autonettoyage », confirme Julien Gutfreund.

Installé près de Montpellier, MMH (Management Méthode Hygiène) travaille pour différentes enseignes. « La tendance est quand même de limiter les coûts, affirme Aurélien Mallet, le dirigeant. Pour ces clients, la propreté vient s’ajouter aux frais fixes déjà importants. Pour les limiter, ils prennent souvent une vendeuse dont ils complètent le temps de travail hebdomadaire avec cinq heures supplémentaires pour assurer l’entretien du magasin. »

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En fonction de la situation géographique et du chiffre d’affaires généré par la surface de vente, il est plus ou moins intéressant de sous-traiter la propreté. « C’est vraiment une question de budget », insiste Aurélien Mallet. Leur équipement laisse souvent à désirer et ils n’utilisent que rarement le bon produit. Avec l’autonettoyage, l’entretien n’est pas réalisé selon les bonnes méthodes.

Le groupe APR travaille avec des moyennes surfaces. « Nous en avons peu car beaucoup effectuent le nettoyage en interne, constate Olivier Baume, directeur commercial. Le choix de l’autonettoyage permet aux magasins de compléter les heures de leurs salariés ou de les reclasser mais donne généralement des résultats de qualité médiocre ». Les directions des moyennes surfaces doivent prendre conscience des enjeux de la propreté et comment cela influe sur le processus d'achat des clients finaux. « On peut observer que certaines achètent les prestations de service de nettoyage "comme des carottes", c’est-à-dire au rabais alors qu’elles nécessitent de réelles compétences », lance Olivier Baume. Créé à Pau il y a 43 ans, APR est actif dans le Sud-Ouest, en Bretagne et en région parisienne. Il réalise un chiffre d’affaires de 50 M€ dans la propreté, auxquels s’ajoutent 10 M€ dans les services à la personne. « Nous sommes souvent mis en concurrence face aux majors de la propreté mais nous mettons en avant notre proximité et nos valeurs : engagement, adaptation et écoute qui nous permettent une forte réactivité, primordiale dans notre activité », explique Olivier Baume.

 

Image et parcours client

Allo Nettoyage a quelques contrats récurrents en direct avec certains (notamment des clients historiques), comme les Starbucks ou les magasins de meubles haut de gamme Cinna, ou en tant que sous-traitant d’un groupe de propreté. « C’est le cas notamment pour une grande enseigne de vente de chocolat, ajoute Julien Gutfreund. Cette enseigne a choisi d’externaliser l’entretien pour une raison d’image. Il exige donc un certain niveau de qualité des prestations. » Allo Nettoyage effectue la remise en état avant l’ouverture d’une boutique, l’entretien courant trois à quatre fois par semaine, la vitrerie et quelques opérations ponctuelles.

« Lorsqu’il s’agit d’une structure indépendante, on ne pense même pas au budget propreté, observe Aurélien Mallet. En revanche, certaines franchises, comme Cultura, ont un budget négocié et l’intègrent dans leur business plan. La propreté doit être considérée comme une charge, au même titre que l’électricité par exemple. » MMH intervient au quotidien pour cette chaîne, tout comme pour Bricorama. « De par notre organisation, notre proximité et notre réactivité en tant qu’entreprise régionale, nous leur apportons une prestation de qualité qui contribue pleinement à leur image de marque », ajoute Aurélien Mallet. Pour l’instant, les directeurs de magasins ont encore la possibilité de choisir un prestataire régional parmi une liste de références. Le dirigeant s’inquiète néanmoins de l’avenir car ces structures risquent à terme de massifier leurs achats.

Quand un magasin est propre, non seulement, les clients se sentent bien mais aussi les salariés. Peu d’enseignes commerciales de moyenne taille ont cette réflexion. « Il m’arrive d’expliquer à mes clients ou prospects qu’il ne faut pas faire l’économie d’un budget propreté. Nous sommes là pour qu’ils puissent se concentrer sur leur métier et leur apporter une plus grande sérénité, affirme Aurélien Mallet. Ils n’ont pas à se préoccuper de la gestion du personnel. » Des enseignes, comme les magasins d’agriculteurs type Scop, font appel aux services des professionnels car elles ont compris que la propreté est primordiale pour leur image de marque. Pour ce type d’enseignes régionales, MMH intervient 2 à 3 fois par semaine, contre 2 à 3 fois par an pour les plus petits budgets.

« On a envie de rester dans un magasin propre, qui permet ainsi de rassurer et de fidéliser », confirme Olivier Baume. Et lorsqu'il tente de convaincre ses prospects, il se heurte souvent à la même réponse : la recherche de sources d'économie et le budget. « Dans ce cas, ils font appel à nous uniquement pour les travaux exceptionnels ou la vitrerie, ce que leurs salariés ne peuvent pas faire », déplore le directeur commercial.

 

Vitrerie et travaux exceptionnels

La vitrerie est la première activité par laquelle les entreprises de propreté peuvent se faire connaître des surfaces commerciales de taille moyenne. « Nous avons beaucoup de clients de ce type en vitrerie, prestations qui peuvent faire l’objet de contrats fixes, explique Julien Gutfreund. Nous leur demandons s’ils veulent des prestations d’entretien. Souvent, la manière dont ils gèrent la propreté leur suffit… » Concernant les boutiques, il est fréquent qu’elles fassent appel à des autoentrepreneurs pour leur devanture. « Pour une entreprise de propreté structurée, la vitrerie n’est pas toujours facile à gérer, souligne Julien Gutfreund. Les laveurs de vitres sont très demandés et il faut donc leur proposer un temps plein. Pour y parvenir, nous devons avoir des clients dans une même zone et organiser des tournées. Cela reste néanmoins une activité complémentaire intéressante. »

Ces clients s'adressent à un prestataire pour des opérations ponctuelles, comme les remises en état, le débarras, le décrassage des sols, le nettoyage de bardages et des abris de caddy... Pour Allo Nettoyage, c’est le cas de certains Carrefour Proxy ou Carrefour City, dont les gérants ont le libre choix d’assurer la propreté eux-mêmes ou de passer en interne. « Le cas des franchises est particulier, ajoute Julien Gutfreund. Elles ont souvent des frais de services élevés et évitent donc des frais de nettoyage supplémentaires. »

« Il arrive que les gérants de magasins fassent appel à nous une fois par mois quand ils constatent que les sols sont vraiment encrassés, ajoute Aurélien Mallet. Ils nous demandent alors une opération ponctuelle de remise à niveau. » MMH travaille pour des Intermarché une fois par trimestre pour la vitrerie, ainsi que pour le lavage haute pression ou le balayage des parkings. Elle a aussi 70 magasins Lidl à gérer pour lesquels elle effectue la vitrerie (1 fois par mois) et la sortie des containers. Pour ces derniers, elle effectue une fois par an un récurage complet de la surface de vente de 20 h à 2 h du matin. « Ils sont plutôt fidèles pour les travaux exceptionnels, note Aurélien Mallet. Sur la région de Montpellier, nous avons réussi à convaincre le directeur des magasins de la région à faire appel à nous une fois par semaine pour un entretien complet. Mais c'est le seul que nous avons pu persuader. »

 

Un potentiel à trouver

« Je pense qu’il existe un certain potentiel mais il reste le problème du coût », poursuit Aurélien Mallet. L’entreprise fait de la prospection auprès de magasins situés à des points stratégiques pour développer son activité sur ce créneau. MMH, créée en 2011, réunit trois sociétés à Montpellier, Nîmes et Béziers. Avec 320 salariés, elle réalise un chiffre d’affaires de 4,5 M€ dans la propreté, le multiservice, l’entretien de climatisations et les services à la personne.

« Pour nous, c’est une activité non négligeable que nous avons encore du mal à développer », affirme Julien Gutfreund. Le dirigeant admet aussi qu'il est difficile de s’implanter réellement sur ce créneau. « Il y a sans doute une démarche commerciale à trouver », estime-t-il.

« La proximité et le bouche-à-oreille nous permettent de nous développer sur ce créneau. Travailler pour ces enseignes du commerce est bon en termes d’image, estime Florence Schmaltz. C’est un secteur complémentaire à l’activité générée par les bureaux. » Pour la dirigeante, les supermarchés représentent un certain potentiel pour les PME locales, tandis que les hypermarchés font plutôt appel aux groupes de la propreté. « Lorsqu’un Leclerc ou un Intermarché veut passer de l’autonettoyage à l’externalisation, les négociations sont parfois rudes car la propreté représente un coût supplémentaire, indique Florence Schmaltz. C’est à ce moment-là qu’il faut leur expliquer tous les avantages de sous-traiter : aucun absentéisme à gérer, sérénité, pas d’organisation ni de planification. Quand le client saute le pas, il ne revient pas en arrière. »

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