La France est l'un des pays européens dans lequel la franchise est la mieux encadrée et où elle se développe le mieux. Entretien de la maison (Maisons & Services, Atout Ménage, Shiva), services à la personne (Family Sphère, Âge d'Or Services, O2 Care, Hubliss), lavage de véhicules (Lavatrans, Ecolave), entretien des réseaux de ventilation (Hygis)… de nombreux réseaux de franchise existent dans le domaine du nettoyage et des services… mais beaucoup moins dans le secteur de la propreté en B to B. En théorie, mettre en place un réseau de franchise dans la propreté constitue une alternative aux groupes dans le cadre de marchés régionaux et nationaux et permet à des TPE de croître tout en restant indépendantes. Mais dans la réalité, il existe plusieurs freins au développement de ce système dans le secteur. « Peu de réseaux de franchise ont été créés dans la propreté en raison de la structure et de l'organisation du marché, estime Pierre Lesage, directeur du développement de Planète Gardiens. D'une part, les grands acteurs de la propreté ont déjà un réseau très développé et, d'autre part, il est assez facile de créer une entreprise dans ce secteur. Il n'existe donc pas réellement de nécessité d'avoir un franchiseur. Certains de nos confrères se sont lancés avec un succès limité. »
Créée en 2015, l'enseigne lyonnaise Planète Gardiens se positionne sur un créneau bien précis : assurer la propreté dans la copropriété en l'absence du gardien d'immeuble. Sa force est d'être uniquement positionnée sur un secteur porteur. « Sur la propreté dans son ensemble, il existe tant de métiers différents qu'il y a alors trop de procédures à mettre en œuvre, explique Pierre Lesage. Néanmoins, nous pensons que les grosses entreprises du secteur se positionneront un jour sur le créneau de la franchise. »
Accompagnement et formation
Le projet a été lancé en 2011. « Pour devenir franchiseur, il faut d'abord être prêt, apprendre le métier et se doter des outils nécessaires, indique Pierre Lesage. Lorsqu'un nouveau franchisé est créé, il est nécessaire d'être très présent auprès de lui. L'accompagnement est primordial. » Planète Gardiens dispose de 5 agences, 2 en franchise à Paris et 3 intégrées. « Nous continuons de proposer le concept de franchise, qui fonctionne, poursuit-il. Le process est établi et sécurisé. » Planète Gardiens Paris (15e arrondissement) réalise un chiffre annuel de 630 000 € et Planète Gardiens Deuil-la-Barre (Montmorency) a atteint les 350 000 €. L'entité de Lyon enregistre, elle, un volume d'affaires de 1,90 M€ pour un chiffre global de 2,90 M€.
Les franchisés Planète Gardiens reçoivent une formation initiale et des modules de formation continue. Ils disposent d'un interlocuteur pour chaque problématique (RH, comptabilité, communication…). « Nous sommes au service des franchisés, qui bénéficient de nos fonctions support, au même titre que nos agences. Nous leur proposons régulièrement de nouveaux outils (centrale d'achats, présélection des candidats au recrutement) et leur apportons des innovations », souligne le responsable. Dans le courant de l'année, le franchiseur permettra à ses franchisés de revendre des produits d'entretien. Concernant la problématique des contrôles, le franchisé gère et reporte chaque contrôle qualité par téléphone au franchiseur. Lequel réalise périodiquement une étude de satisfaction des résidents des immeubles par téléphone. « Nous souhaitons accélérer notre développement et recherchons des entrepreneurs sur toute la France », affirme Pierre Lesage. Un cabinet spécialisé (Xpand Partners) accompagne le réseau pour accroître le nombre de franchisés.
Créé en 1997 en Moselle par Lionel Bieder, Augias Group (4 M€ de chiffre d'affaires) joue la carte de l'innovation, de la réactivité et de la proximité avec ses clients (entreprises, industries, collectivités locales). Il est certifié Iso 14001 et labellisé Entreprise Innovante par Oséo Innovation. Le groupe décline son concept autour de deux entités : Augias Propreté (entretien et nettoyage) et Augias 3D (désinfection, désinsectisation et dératisation). Il a lancé son concept en franchise en 2008, après deux ans d'étude du projet.
Les avantages du système
« Nous sommes partis du constat que le secteur de la propreté est peu concentré et que nos marchés récurrents annuels nous offrent une base solide pour construire une franchise, affirme Lionel Bieder. La création d'une entreprise de propreté est facile mais la partie administrative l'est moins, en particulier pour le recrutement. L'avantage de la franchise est de mutualiser les moyens pour gérer le coût administratif. » Pour le dirigeant, les deux points forts du système sont des coûts fixes plus faibles et de travailler en réseau pour couvrir une zone géographique plus large. Pour lui, il est ainsi possible de concurrencer les acteurs du Top 5.
« Nous avons atteint 26 franchisés en 2010, indique Lionel Bieder. Malheureusement, nous avons eu ensuite des difficultés financières liées à un important impayé de l'État qui a freiné le développement. » Il croit toujours au potentiel du réseau, en particulier à l'étranger. Augias est présent à Madagascar avec plus de 800 salariés. Dans l'Hexagone, il ne compte plus que deux franchisés. « En France, le droit de la franchise se fait phagocyter par le droit du travail, lance-t-il. Il est bien plus difficile de se développer. Relancer la franchise Augias Propreté est l'un de mes principaux objectifs car notre business model est bon. » L'entrepreneur compte notamment s'appuyer sur les solutions innovantes Greentech qu'il propose par exemple en matière de gestion des déchets.
Des entreprises ont tenté l'expérience de la franchise sans réel succès. Sneg Propreté a lancé une franchise en 2015. Forte de 23 années d'expérience, l'entreprise avait alors pour ambition d'ouvrir six à sept agences par an afin d'atteindre une trentaine en cinq ans. Le développement n'a pas été à la hauteur de ses attentes. Christophe Lopez, alors PDG, a ensuite cédé ses deux agences Sneg Propreté Le Mans et Sneg Propreté Angers à Mathieu Poussin (l
AugiasAugias propreté veut développer la franchise en France comme à Madagascar.
Dupliquer un modèle
D'autres entreprises de propreté sont en phase de lancement de leur franchise, Gesti Pro, Novaclean, ASR Nettoyage, EPS… « En 2014, un de nos proches a souhaité se lancer dans l'entrepreneuriat et a créé en association, la filiale Gesti Pro Aquitaine. C'est à partir de ce moment-là que nous avons décidé de lancer un réseau de franchise, explique Isabelle Magne, cogérante de Gesti Pro. Cette première entité nous a servis d'agence pilote. Elle a réalisé en 2018 un chiffre d'affaires de 900 000 €, ce qui est très encourageant. »
Créée en 1987, Gesti Pro s'est développée par croissance organique. Cette entreprise à taille humaine occupe la 32e place du Top 70 de la propreté (1 200 salariés et 1 600 clients). Active dans le nettoyage de bureaux et de magasins en région parisienne et dans la région Centre, elle est certifiée Iso 9001 et 14001, ce qui figure une base solide pour le lancement de la franchise. « Nous n'en sommes qu'au début, souligne Isabelle Magne. Le manuel de la franchise est rédigé et nous allons participer en mars au Salon de la franchise à Paris. » Gesti Pro a pour but de démarrer avec trois franchisés. Son objectif final est d'atteindre entre 20 et 25 franchisés en France. L'entreprise souhaite dupliquer son modèle de « l'agent intelligent ». L’agent de propreté est formé, suivi, encadré et valorisé. « Un agent impliqué devient partie prenante de la réussite chez son client, poursuit la dirigeante. Nous souhaitons changer l'image de notre profession au travers de la constitution d'un beau réseau de franchise. Nous devons prendre notre temps pour que cela fonctionne. » Gesti Pro est accompagnée par Christine Mollin (Cabinet CMC) pour la rédaction du manuel du savoir-faire. Isabelle Magne mise avant tout sur la formation et l'accompagnement de ses franchisés. Gesti Pro propose une formation de 2 mois au lancement du franchisé. Celle-ci comporte l'aspect commercial et l'aspect technique, pour savoir gérer un chantier de propreté et surtout les hommes. L'entreprise apportera son support régulier pour permettre aux franchisés d'atteindre un chiffre d'affaires tout en demeurant autonome et indépendant. Pour devenir franchisé, il faut être polyvalent : être un bon commercial, avoir un bon contact avec les gens et un profond respect de l’humain.
Début 2018, l'entreprise de propreté EPS, créée en 2001 à Besançon, s'est ouverte à la franchise afin de se développer sur tout le territoire. Les premiers franchisés ont démarré leur formation initiale en décembre. D'une durée de deux semaines, celle-ci permet d'avoir les connaissances nécessaires pour bien gérer son entreprise. Les nouveaux franchisés EPS sont des franchisés d'Adomis Ardèche, qui ont décidé de rajouter à leur activité la propreté B to B. Les nouvelles agences EPS France devraient ouvrir leurs portes au premier trimestre 2019.
Chantal Zimmer, déléguée générale FFF
« Être capable de dupliquer un savoir-faire »
Quel est le rôle de la Fédération française de la franchise (FFF) que vous dirigez ?
La FFF a été créée en 1971 avec pour but de fixer les règles de conduite de la franchise, en particulier pour assurer la transparence et l'équité dans la relation entre le franchiseur et les franchisés. Les missions de la fédération sont de promouvoir la franchise (annuaire, salon, site web…), de professionnaliser le secteur (formation des franchisés et franchiseurs, académie de la franchise, recherche universitaire…), de défendre la franchise et de mettre en avant le code de déontologie (relations publiques, veille juridique pour limiter les entraves réglementaires…) et d'accompagner les réseaux de franchise (franchiseurs et franchisés).
Quel est le prérequis indispensable pour une entreprise pour devenir franchiseur ?
La franchise est la réitération d'une réussite. L'entreprise souhaitant lancer un réseau doit pouvoir s'appuyer sur un modèle existant qu'il est possible de dupliquer. Elle doit donc détenir un savoir-faire transférable et mettre en place un processus précis comprenant le concept, la formation et l'accompagnement des franchisés, l'approche commerciale…
La France est le premier pays européen en termes de développement qualitatif de franchises, pourquoi le secteur de la propreté en compte si peu ?
Sur le créneau des particuliers, il existe un bel exemple de réussite avec le réseau Shiva. Certains acteurs des services à la personne proposent des prestations de propreté mais c'est bien différent. Concernant la propreté B to B, c'est un marché structuré sur lequel des entreprises sont présentes depuis longtemps. En raison de la concurrence existante, il est plus difficile pour les franchises de se développer. De plus, il faut être sûr du schéma organisationnel pour dupliquer des services, qui sont moins facilement contrôlables.
Quels sont les principaux avantages du système de la franchise ?
Il permet un développement plus rapide. Le franchisé est un entrepreneur indépendant, sans doute plus impliqué et dynamique qu'un directeur d'agence salarié. Il investit localement et étend ainsi le réseau avec des capitaux plus faibles. Néanmoins, le franchiseur doit animer ses franchisés s'il veut maintenir une émulation. Il est responsable de la stratégie du réseau et de sa pérennité. Le franchiseur doit aussi être prêt à « laisser » une partie de son chiffre d'affaires, comparativement à une organisation en succursales.
De son côté, le franchisé dispose d'un modèle économique qui a fait ses preuves, d'une enseigne, de clients et d'un savoir-faire. Tout en étant indépendant, il bénéficie d'un accompagnement et de formation. C'est l'ambassadeur de l'enseigne. Il doit respecter la promesse faite aux clients.
Bruno Coeurdray, codirigeant de Net Plus
Avez-vous déjà envisagé de lancer une franchise pour développer le réseau Net Plus ?
En 2012, nous nous sommes en effet intéressés au sujet. Nous avons finalement opté pour une solution différente. Chaque agence Net Plus est une filiale détenue à 51 % par le réseau et à 49 % par le directeur de la filiale. Certes, le développement avec une franchise est plus rapide. Mais, la prise de risques pour le franchisé est bien plus forte même s'il est accompagné. D'un point de vue légal, c'est aussi plus délicat.
Fort de cette organisation, Net Plus continue sa progression. Après 18 % en 2018, notre croissance devrait atteindre 15 % cette année. Nous sommes à la recherche d'opérations de croissance externe pour élargir le réseau. Avec 27 agences, nous ne sommes pas présents dans le Nord et l'Est. Nous comptons conforter les agences récemment ouvertes et en ouvrir de nouvelles dans ces deux zones.