Depuis le début de la pandémie, les entreprises doivent à la fois rassurer leurs collaborateurs et les sensibiliser davantage à l'hygiène des mains et à la désinfection des points de contact et du mobilier. Quelles solutions permettront demain de pérenniser ces usages dans les locaux tertiaires ? Quel est le rôle des entreprises de propreté en termes d'accompagnement ? Il s'agit pour elles d'une opportunité pour proposer des solutions adaptées tant au plan du management de la propreté que du matériel. C'est sur ce sujet qu'ont échangé professionnels du secteur, clients et fournisseurs lors de la web conférence organisée le 20 avril par le magazine Services .

« Comment intégrer durablement l'hygiène dans les environnements de travail ? » C'est le thème d'une matinée de deux web conférences organisée par le magazine Services. L'occasion pour les intervenants de se demander si la crise sanitaire a changé la donne dans les bureaux avec une notion d'hygiène plus poussée. Les clients ont des exigences plus fortes pour assurer la sécurité de leurs salariés. Les entreprises de propreté ont donc un rôle prédominant à jouer. Force de proposition, elles ont la possibilité de préconiser différentes solutions techniques et organisationnelles.

« Le niveau d’exigence a augmenté car les clients ont besoin d’être rassurés, affirme Benjamin Le Thiez, directeur Innovation et performance du groupe Essi Propreté. Nous avons notamment mis en place une nouvelle démarche de régie pour la désinfection. » Pour l'entreprise, cette crise a accéléré la transition digitale et demandé la mobilisation des équipes opérationnelles et des encadrants. Elle a aussi mis en exergue le besoin de proximité avec le client. « Il faut faire plus attention à la gestion du contrat, poursuit-il. Notre taux d’encadrement doit rester élevé. »

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Essi
Benjamin Le Thiez,

Accompagnement des clients

« Il a fallu rassurer nos clients car l’hygiène est revenue au centre des préoccupations, témoigne Philippe Santos, directeur grands comptes Propreté & FM chez Elior Services. Dans le tertiaire, c'est plus compliqué en raison d’une occupation variable des locaux. »

Les entreprises de propreté ont accompagné leurs clients de diverses manières : fourniture de kits pour les collaborateurs, installation de distributeurs de gel hydroalcooliques aux bons endroits et affichages muraux. Elles ont aidé les directions de l'environnement de travail à mettre en place un dispositif de retour au présentiel. Pour sensibiliser et rassurer les usagers, Essi Propreté affiche un certificat désinfection logoté avec les protocoles d’hygiène, le certificat du pharmacien et un post-it (heure de la désinfection). L'entreprise a aussi mis en place la traçabilité des prestations et un relevé d’activité propreté. « La valeur ajoutée des services prend tout son sens, insiste Benjamin Le Thiez. Nous avons mis en place des baromètres ciblés pour les clients avec un indicateur du niveau d’hygiène ressenti. Il faut prendre en compte concrètement le bien-être des usagers et leur rendre la parole. »

« On a observé un renforcement de la relation clients qui ont pris le temps de nous parler. Notre rôle est d’être force de proposition pour apporter des points d’amélioration autour d'un partenariat constructif », estime Philippe Santos. Des plans d’occupation des locaux ont été réalisés pour adapter la prestation. Avec les demandes de désinfection supplémentaires, Elior Services a déplacé les horaires en journée et augmenter les cadences. « Il a été compliqué de faire entrer ces prestations supplémentaires dans le budget, signale Philippe Santos. Beaucoup de clients ont demandé à suspendre certaines prestations et ont réorienté le budget vers la désinfection. Pour l’instant, l'hygiène est maintenue à un niveau renforcé mais il est difficile de savoir si cela sera ancré dans le temps. Adaptabilité, fiabilité et dimension partenariale sont des notions de plus en plus importantes. »

Plus de coopération

Essi Propreté considère que ce niveau d’exigences pourrait perdurer. « Nous sommes mieux écoutés. Les clients sont dans une véritable démarche d’amélioration de l’hygiène et demandent que cela soit intégré dans le contrat, complète Benjamin Le Thiez. Avec beaucoup de pédagogie, il faut construire avec le client et décortiquer in situ son besoin du client : c’est l’hygiène ciblée. »

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Candor
Emmanuelle Planet,

« Chez certains clients, les prestations sont passées à une fréquence quotidienne, pour la désinfection des points de contact, affirme Emmanuelle Planet, directrice déléguée en charge des opérations & RSE chez Candor. Et nous avons eu de nombreuses demandes d’adaptation avec le télétravail, ce qui nécessite plus de coopération avec les clients. » Candor a signé des avenants temporaires au cas par cas, parfois pour revoir à la hausse le budget global. Pour rassurer leurs salariés, ils ont augmenté de 20 à 25 % les dépenses en matière d’hygiène des locaux. D’autres ont néanmoins revu à la baisse les prestations (parfois jusqu’à 20 %), notamment en raison d’un taux d’occupation des locaux beaucoup plus bas. « Nous nous devons de continuer à les accompagner, c’est important en termes de fidélisation, poursuit-elle. Parfois, nous avons proposé d’intégrer dans les contrats des prestations complémentaires pour équilibrer. »

Adaptations matérielles

Au-delà de l'aspect relationnel et organisationnel, il a fallu aussi trouver des réponses matérielles. Chez Elior Services, la gamme hygiène a été adaptée avec l'arrêt des essuie-mains en tissu pour les essuie-mains en papier, les produits ont été changés, ainsi que de nouveaux dispositifs de renouvellement d’air. « Dans des espaces de flex office, nous avons mis en place des kits de désinfection (lingettes et gel hydroalcoolique) », indique Philippe Santos. L'entreprise a suivi la démarche de certification Covid Afnor qui permet au client final de s’assurer que toutes les actions et mesures ont bien été mises en place. Elle a donc proposé à tous ses clients de faire certifier leur site grâce à un package complet.

Dans cette période, les entreprises de propreté ont eu plus que jamais besoin de leurs partenaires fournisseurs. « Nous sommes parvenus à garantir à nos clients une continuité de service sans faille », explique François Brochet, directeur commercial Propreté & industrie chez Paredes. Le distributeur et fabricant français de ouate a augmenté sa capacité de production pour sécuriser les stocks. Il dispose d'une plateforme logistique, un stock central de 20 000 m². Son site étant installé en France, il peut ainsi garantir des circuits d’approvisionnements très courts. « Notre stratégie vise à délivrer le meilleur niveau de service à nos clients avec la garantie « 0 rupture », ajoute François Brochet. Le groupe avait choisi, en amont de la crise, cette politique de stocks importants, avec notamment des quantités importantes d’EPI.

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Paredes
François Brochet,

Rôle des fournisseurs

Paredes a fait en sorte de couvrir l’ensemble des besoins d’un site tertiaire. L'entreprise fournit des produits de nettoyage et de désinfection et des dispositifs à usage unique, ainsi que les différentes méthodes de mise en œuvre (imprégnation, spray dirigé et désinfection par voie aérienne). Pour la sécurité des collaborateurs et l'hygiène des mains, le groupe propose une offre de services en cabines sanitaires par laquelle elle prend en charge les besoins des entreprises de propreté (gestion des commandes, livraison et réapprovisionnement des consommables) et qui intègre l’essuie-mains papier avec le système autocut. Il met à disposition des gels hydroalcooliques aux endroits stratégiques (accueil, coin café, distributeurs de boissons…) et des affichages pour sensibiliser sur les mesures préventives.

Pour l’entreprise de propreté, le distributeur a mis un point d'honneur à garantir les stocks en produits indispensables en période de pandémie et à établir des protocoles adaptés à chaque situation, tout en fournissant les équipements de protection individuels pour les agents.

« Pendant la crise sanitaire, tout le monde s’est rendu compte que l’hygiène était devenue un enjeu majeur, observe François Brochet. Et nous avons acquis la certitude qu’il le restera demain et même durablement. » Pour lui, les mesures pour limiter les contaminations dans les locaux de travail seront conservées. Les protocoles sanitaires renforcés seront maintenus tant pour les collaborateurs auxquels il faudra continuer de rappeler la nécessité de se laver les mains dès l'arrivée au travail, que pour les visiteurs.

Traçabilité des prestations

Pour l’amélioration de l’hygiène globale, Paredes propose une vision en temps réel des prestations réalisées : une solution de suivi qualité à partager avec le client final. Muni d’un smartphone permettant de taguer des puces RFID, il est possible pour la personne intervenant dans le bloc sanitaire de remonter en temps réel : la traçabilité des prestations journalières, le contrôle des horaires de passages, le suivi des tournées sur plans. « Quand un collaborateur Paredes passe sur site une fois par mois, il pourra proposer un audit d’hygiène des sanitaires : le baromètre hygiène, explique François Brochet. Sur la base de critères définis avec l'entreprise de propreté, l'outil digital de contrôle peut remonter les statistiques récoltées, afin de mettre en place d’éventuelles actions correctives. » L'entreprise de propreté gagne du temps de contrôle pour les équipes tout en contribuant à l’amélioration continue des prestations.

Désinfection raisonnée

« Nos équipes polyvalentes ont été formées et ont eu à réaliser jusqu’à quinze désinfections par jour, indique Emmanuelle Planet. Pour limiter l'impact environnemental, nous avons des centrales de dilution pour remplir les pulvérisateurs (eau ozonée si possible) et réutilisons des contenants pour moins de déchets plastiques. »

Au début, Elior Services utilisait, comme bon nombre d'entreprises de propreté, des désinfectants virucides disposant de la norme EN14476. « Puis on s’est intéressé aux solutions à base d’eau ozonée qui ont été validées pour leurs propriétés virucides, signale Philippe Santos. Il est nécessaire de rassurer les clients sur les solutions alternatives

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Action Pin
Anne Le Gallet,

« Auparavant, dans le tertiaire, on ne désinfectait que les sanitaires et les cuisines. Depuis le début de la crise, les protocoles ont dû être adaptés », indique Anne Le Gallet, directrice marketing d’Action Pin. En tant que fournisseur de produits de désinfection, le rôle d'Action Pin est d’accompagner les distributeurs, les entreprises de propreté et les clients finaux pour une approche raisonnée de la désinfection. « Le choix doit être juste par rapport aux besoins et l’ensemble du process doit être raisonné : le choix des produits par rapport aux enjeux environnementaux et sanitaires, le matériel de dosage, le matériel d’application et les pratiques. » Les systèmes de dosage, les centrales de dilution permettent le gérer au mieux les consommations et les formules concentrées pour reconditionnement en pulvérisateurs sont aussi intéressantes tant d’un point de vue économique qu’environnemental.

Avec pour enjeu de rassurer les clients et les salariés, ce niveau d'exigences en matière d'hygiène pourrait perdurer.

Dans le tertiaire, le nettoyage suffit, la désinfection n’est pas justifiée. Par contre, pour les points de contact, la désinfection est indispensable car ce sont les zones les plus à risques qui nécessitent une élimination à 99,999 % de tous les germes. Un simple nettoyage, par l’action mécanique, n’éliminerait que 80 % de ces mêmes germes. « Il est possible de choisir des désinfectants plus respectueux et moins dangereux, comme la gamme que nous proposons et qui combine pin, enzyme et acide lactique, souligne Anne Le Gallet. Cette substance active biosourcée ne présente aucune classification environnementale, la gamme est certifiée par Ecocert et elle est virucide avec une efficacité sur tous les virus enveloppés dont le coronarivus. »

Solutions plus techniques

« Nous avons eu une importante phase de demandes de DSVA qui a nécessité de former nos agents », note Philippe Santos.

« Avec la crise sanitaire, on assiste à un changement d’approche en passant d’une démarche curative à une démarche systématique de prévention, affirme Thierry Rouleau, président d'Oxy’Pharm. Les demandes émanant du secteur tertiaire sont en forte hausse pour la DSVA et la vapeur. » La première technologie permet de désinfecter, sans aucun ammonium quaternaire ou produits à résidus créant des résistances de germes, et la seconde de nettoyer et de réaliser une prédésinfection sans aucun résidu.

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Oxy'Pharm
Thierry Rouleau,

« Nous devons faire preuve de beaucoup de pédagogie et apporter des connaissances, car nos interlocuteurs ne comprennent pas comment cela fonctionne, poursuit Thierry Rouleau. Aucun produit chimique à résidu n’est utilisé. Le peroxyde d’hydrogène est biodégradable (l’eau oxygénée, en passant sous forme gazeuse perd ses propriétés de corrosion, mais conserve celles de désinfection). » Le système de DSVA d'Oxy'Pharm permet de traiter 100 % des surfaces exposées, y compris les faux plafonds, les climatiseurs et les gaines de ventilation. Une fréquence hebdomadaire, voire quotidienne, pour la DSVA est préconisée pour éviter la formation de biofilms. Elle ne nécessite aucune présence humaine ; un opérateur peut faire autre chose pendant ce temps ou repasser chercher la machine pour une autre pièce ou un autre site. Et Thierry Rouleau de préciser : « le seul surcoût est lié à l’investissement matériel : il est compensé par le fait que les solutions techniques permettent d'éviter les erreurs humaines. »

La propreté, une prestation stratégique

Le Monde de la Propreté a mené un travail de recensement des études scientifiques publiées qui établissent un lien entre la propreté et la qualité de vie au travail. Véronique Vansteene, chef de projet RSE au Fare Propreté précise : « On trouve plusieurs types d’arguments. Des études menées aux États-Unis ou en Autriche notamment établissent l’existence d’un lien entre la prestation de propreté et une bonne hygiène dans le tertiaire. » Différents facteurs interviennent alors : le choix des produits pour le lavage des mains, la sensibilisation à l’hygiène des mains, le nettoyage ou la désinfection des points de contact. « Dans l’une des études, on établit que les protocoles qui encourageaient une bonne hygiène permettaient de réduire l’absentéisme de 10 à 15 % », ajoute Véronique Vansteene. On trouve aussi de nombreuses références sur le rôle de la qualité de l’air intérieur dans le bien-être au travail (baisse des concentrations de polluants de l’air intérieur) et l’importance de l’aération naturelle pour compléter des systèmes de ventilation qui ne sont pas suffisants pour renouveler l’air intérieur de manière optimale. « Dix ans en arrière, l’aération faisait partie du cahier des charges mais ce n’est plus le cas », poursuit-elle. De plus, les études expliquent que « l’effet de fraicheur », c’est à dire la sensation d’air frais sur la peau, apporté par l’aération naturelle suit le même chemin sensoriel qu’une bonne odeur. « Cet effet de fraicheur pourrait ainsi être un marqueur de la prestation », note Véronique Vansteene Enfin, un lien entre le désordre et certains effets négatifs sur la performance au travail est mis en évidence dans plusieurs publications. D’autres établissent une corrélation, basée non pas sur des enquêtes de satisfaction, mais sur des modèles mathématiques, entre la propreté et la satisfaction dans les bâtiments tertiaires. « Tous ces éléments confortent la prise de conscience que la propreté est une prestation stratégique pour les clients », conclut Véronique Vansteene.

Qu'en disent les clients ?

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SNCF

Joël Larousse, directeur du développement et des opérations Environnement de travail de la SNCF :

« La crise sanitaire a engendré une dynamique positive car elle a entraîné plus de considération de la valeur. La notion de partenariat a été mise en exergue. Il faut réintroduire l’hygiène dans le projet de l’entreprise, du site, du vivre ensemble. Les entreprises de propreté ont joué leur rôle dans cette période. À présent, il faut remettre l’occupant dans son rôle : maintenir propre l’espace de travail, signaler les problèmes, échanger avec l’entreprise de propreté. Pour faciliter l’échange, nous aurons donc besoin du travail de jour.

La propreté fait partie des conditions de sécurité et de productivité : le propre rend capable de travailler. Dans ce contexte, nous pourrons alors mettre en place un véritable schéma de service avec un plan de progrès. La crise du Covid a rappelé que la sécurité relève du collectif. En se protégeant les uns les autres, on peut tendre vers une continuité sociale et économique. Il s'agit de fixer les conditions de la coopération avec un objectif commun et de faire évoluer les usages. »

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Services

Thierry Cadiot, directeur de l'environnement de travail d'un groupe bancaire et directeur de la commission études de l’Arseg :

« En quinze jours, nous avons mis en place une messagerie interne à l’Arseg (Association des directeurs de l’environnement de travail) dédiée au Covid, ce qui nous a permis d’échanger les bonnes et mauvaises idées, les retours d’expérience et de demander des conseils. Les donneurs d’ordres ont dû piloter les prestations de propreté à distance et prévoir masques, gels, balisage et marquage au sol des sites.

Après une période de confinement, nous avons dû gérer le retour au bureau pour raisonner et rassurer. J’ai freiné pour éviter le recours à une désinfection à tout-va et nous avons privilégié la fermeture des sites. Restaurants d’entreprise et salles de réunion ont été réorganisés et les protocoles de nettoyage ont été modifiés. Une régie en journée a été mise en place pour la désinfection des points de contact, les sanitaires et les postes de travail dans les espaces partagés et de flex office. La communication a été renforcée. Il est possible que cette organisation s’installe dans la durée si l'on tend vers la propreté à l’usage. L'entreprise de propreté doit être force de proposition pour co-construire avec le client et passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat. Le dialogue doit être ouvert. »

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