Pour l'entretien des sols, les hôpitaux pratiquent encore largement le nettoyage manuel. Car s’ils ont mécanisé le nettoyage des allées, le procédé reste délicat dans les chambres. L’usage d’autolaveuses compactes autoportées peut être une solution intéressante, mais à la marge. Pourtant, la mécanisation est indispensable à la remise en état des sols, parfois très encrassés.
L’entretien des sols, que ce soit en établissement de santé (ES) ou dans les établissements médico-sociaux (EMS) est un domaine à part. Un domaine complexe, observé de près par les 17 Centres régionaux de prévention des infections associées aux soins (CPias, anciennement baptisés CClin), en charge de l’élaboration et de la diffusion des protocoles en matière d’hygiène des locaux. Car si à première vue, l’entretien des sols et des surfaces n’entre pas forcément dans les impératifs immédiats d’hygiène hospitalière, il constitue en définitive l’un des piliers de la prévention des risques infectieux. Et ce, au même titre que la « maîtrise du risque lié aux actes invasifs » dont on parle plus régulièrement puisqu’elle agit directement sur les risques d’IAS (Infections associés aux soins ou infections nosocomiales).
Avant d’entrer dans le détail des pratiques d’entretien et de bionettoyage, il s’agit de définir ce qu’est l’hygiène en milieu hospitalier. Toujours selon les protocoles établis par les CPias, il est admis que celle-ci concerne trois éléments notables :
• la propreté visuelle, élément fondamental de l’accueil des patients, des résidents et des visiteurs mais aussi de la confiance et de l’attractivité extérieure d’un établissement,
• la maîtrise de la contamination des locaux et des surfaces qui constituent des vecteurs secondaires pour la transmission de micro-organismes,
• la maîtrise de la contamination microbiologique des surfaces en zone à empoussièrement maîtrisé.
« Outre le respect de la réglementation en vigueur et la préservation de la santé des patients et résidents, il y a un enjeu en termes d’image de marque de l’établissement. La propreté des sols est visible et contribue à inspirer la confiance pour les patients, les résidents ainsi que pour les familles », confirme Caroline Diener, directrice des opérations pour la filiale de Biomega Services, Biomega Hygiène, spécialisée en bionettoyage, hygiène et services hôteliers.
Un zoning qui définit le nettoyage
Si ces trois éléments vont guider le choix dans le matériel de nettoyage et les produits d’entretien, une notion complémentaire appelée « zoning » est tout aussi importante. Défini en 1994 par le « guide du bionettoyage » éditée par la Commission centrale des marchés (CCM), ce zoning classe les locaux de santé en 4 zones, selon le risque infectieux encouru par les personnes soignées. Des zones qui devront faire l’objet d’un nettoyage spécifique, gradué en fonction du risque. Un découpage expliqué le pharmacien et expert santé, Thomas Met, travaillant pour GSF. « La zone 1 concerne principalement les communs, sans lien direct avec les patients. Dans ces espaces, la mécanisation est depuis longtemps employée. Selon la surface à nettoyer, on utilise une autolaveuse autoportée ou autotractée selon la taille des espaces à traiter. La mécanisation apporte dans ces configurations une productivité et une meilleure qualité de nettoyage, notamment grâce à la force de pression des machines. La zone 2 concerne les espaces intermédiaires (salles d’attente, circulation et couloirs menant aux chambres). On y trouve encore du nettoyage mécanisé mais avec des modèles réduits et moins bruyants. Quant à la zone 3, ce sont les chambres. Et c’est bien souvent ici que la mécanisation s’arrête ». Quant à la zone 4, le bloc opératoire et zones associées, les risques infectieux y sont tels que le protocole diffère. Le nettoyage des sols et surfaces y est bien souvent manuel. Certains blocs peuvent encore avoir recours à des autolaveuses mais elles sont alors dédiées à l’usage exclusif du service. Dans cette zone, on utilise aussi largement un nettoyage manuel vapeur.
Des modèles spécifiques en zone 2
THOMAS MET, GSF
Si la mécanisation s’est donc imposée pour les halls et les principales circulations des établissements de santé, permettant d’assurer des rendements de 1 000 à 1 500 m²/heure, le fabricant Diversey fait lui aussi le distinguo entre ces zones 1 et 2 et le cas des chambres. « Pour le nettoyage des couloirs, nous avons notamment un modèle spécial santé, le 955B avec un déport de brosse pour les mains courantes ou encore la Swingo 350B, encore plus compacte », ajoute Dorothée Sermet-Bellet, responsable marketing secteur santé du groupe. Mais déjà dans ces couloirs secondaires, la compacité, la maniabilité et le caractère silencieux du matériel restent cruciaux. D’où l’utilisation d’autolaveuses autoportées compactes pour l’entretien quotidien, comme les modèles SC500 de chez Nilfisk ou la T300 chez Tenant. « Dans les plages de balnéothérapie ou les vestiaires, on utilise parfois des appareils type rotowash ou I-mop car elles passent davantage partout et sont plus facilement manipulables qu’une monobrosse », confirme Caroline Diener.
1. © Biomega Services - Le balayage humide est suivi d’un nettoyage microfibre. Ce sont les deux étapes importantes du protocole de nettoyage.
2. ©Diversey - Cette machine avec déport de brosse été spécialement conçue pour la santé.
3. © Concept Manufacturing - Ce disque EMR s’utilise en mouillé sur les sols durs ou souples et se fixe sur les monobrosses ou autolaveuses.
La chambre, la pré-imprégnation privilégiée
SÉBASTIEN NOMMER, PAREDES
Pourtant, même si un nettoyage par une autolaveuse est plus performant, plus efficace et fait peser moins de risques sur la santé de l’opérateur en termes de TMS, la mécanisation est impossible à intégrer dans un protocole de bionettoyage au quotidien des chambres. Aussi car un nettoyage manuel (surfaces et salle de bains inclus) prend entre 10 et 15 minutes à un opérateur, tandis qu’une opération de nettoyage mécanisée tendra plus vers les 30 minutes. « Le manuel est toujours fortement utilisé dans les chambres pour sa rapidité d’exécution et son efficacité », résume Caroline Diener, chez Biomega Service. De plus, intervenir sans faire de bruit reste un atout dans certains services.
Concernant la méthode et le matériel utilisés, le chariot équipé des deux seaux avec presse a totalement disparu des établissements de soins, remplacée par la pré-imprégnation et l’usage de microfibres. Une méthodologie reconnue pour son efficacité et dans le cadre de la prévention des risques de TMS des agents. « On commence par un balayage humide de la chambre en amont avec un balai trapèze de 60 cm avec une semelle fibre sur lequel on positionne une gaze jetable imprégnée d’huile végétale. Ensuite, on utilise des franges microfibres (5 franges pour un litre de solution) pré-imprégnées. On réalise d’abord le nettoyage de la salle de bains avec en moyenne une frange, puis on utilise une nouvelle frange dans la chambre. Si c’est une chambre double, on utilise une frange pour le côté fenêtre et une pour le côté porte », explicite Caroline Diener. Enfin, même si les CPias recommandent le balayage humide avant toute opération de nettoyage, certains sites de santé confirment utiliser des franges combinant en un seul passage l’action balayage et nettoyage. Il s’agit par exemple de la méthode Swep de Vileda. « Une technologie qui soulève pourtant des problématiques de lavage, car l'arrivée vers les machines à laver d'un plus grand nombre de corps étrangers peuvent obstruer les machines. Sans compter que cette solution est très onéreuse, de 5 à 10 fois le prix d'un support microfibre classique », confirme Thomas Met, chez GSF. Une solution deux-en-un à laquelle n’adhère pas non plus Sébastien Nommer, chef de marché santé chez Paredes pour qui « le balayage reste la première étape indispensable : Il vaut mieux balayer que laver.» Celui-ci conseille chez ces clients une méthodologie ergonomique en deux temps : « Balayage avec microfibre à usage unique qui adhère (sans aide manuel) au plateau de balayage. Puis, avec la même monture, utilisation d’une mop textile sans détergent. »
CAROLINE DIENER, BIOMEGA SERVICES
Du cas par cas, par manque de planification
Si on a vu que la mécanisation est impossible pour l’entretien des chambres au quotidien, elle reste idéale lors des opérations de mises à blanc ou pour un nettoyage plus approfondi entre deux patients. « Le modèle Nilfisk SC351 est adapté pour une grande chambre car il est manœuvrable d’avant en arrière, mais il reste trop gros pour une salle de bains par exemple », détaille Thomas Met pour GSF, qui poursuit, « l’I-mop peut aussi s’avérer utile pour nettoyer entre deux patients mais là encore, comme la machine n’aspire pas en marche arrière, on reste limité dans les usages… ». Dans les faits, on réalise que la mécanisation dépendra bien souvent du délai dont dispose l’équipe médicale/de propreté pour intervenir. Se rendre dans un autre service pour prendre la machine adéquate, même si cela ne demande que 15 minutes, peut s’avérer trop long. « En milieu hospitalier, les fréquences de mécanisation des chambres vont dépendre de l’activité, l’augmentation de l’ambulatoire et de la rotation des lits ne permet pas systématiquement de réaliser des protocoles “départ“ avec mécanisation des sols », confirme Sébastien Nommer.
DOROTHÉE SERMET-BELLET, DIVERSEY
Mécanisation idéale, si elle est programmée
Ceci étant dit, dès lors que l’intervention a pu être programmée, la mécanisation est un atout de taille dans l’élimination du biofilm, dans la remise en état des sols et autres opérations de décapage. En particulier dans les salles de bain, qui ont davantage besoin d’être soumis à un bionettoyage (détergent + désinfectant) car elles s’encrassent plus vite (accumulation de tartre et résidus de sébum). L’allié de taille est alors la monobrosse, un équipement de base en milieu hospitalier, même si elle reste utilisée pour des travaux spécifiques à la demande des clients, « comme le récurage des sols une fois par mois et/ou un décapage avec la pose d’une émulsion dans un second temps », explique Biomega, qui l’utilise aussi en spray méthode pour une action de nettoyage en profondeur et une remonté en brillance. Quoiqu’il en soit, il est certain qu’une meilleure planification permettrait certainement de faire entrer plus durablement, les machines en milieu hospitalier.
© Nilfisk - Dans les halls, couloirs et espaces communs, le rendement de la mécanisation séduit le secteur hospitalier, avec de modèles autotractés compactes.
Tendances
La désinfection n’est plus la norme ?
Au regard de certains retours d’expériences réalisés par les CPias, la majorité des entreprises de propreté et des fabricants ont confirmé que de nouvelles recommandations en matière de désinfection des sont apparus dans les établissements de santé et médico-sociaux. Celle-ci n’est plus recommandée au quotidien en zone 3, voir réservée à des situations particulières (épidémies ou locaux/chambres hébergeant des résidents porteurs de Clostridium difficile). « Néanmoins, cette méthodologie reste soumise à la validation des hygiénistes de l’établissement et donc, elle n’est pas validée partout », pondère Thomas Met (GSF). Cette nuance établie, il reste toutefois de plus en plus courant de laver les sols avec de l’eau (uniquement si bandeau microfibre) puisque toujours selon les CPias, il n’y aurait pas d’impact mesuré en termes de risque infectieux. Néanmoins, la plupart des professionnels de la propreté continuent d’alterner entre l’usage de l'eau avec microfibre et celui d’un détergent neutre. Tout en conservant le détergent-désinfectant pour les chambres de sortants (arrivée d’un nouveau patient ou résident) ou les cas d’épidémie. Concernant l’entretien de certains établissements tels que les Maisons d’accueil spécialisées, l’usage de désinfectant-détergent reste la norme car les patients accueillis, par exemple en situation de handicap, peuvent être amenés à des contacts fréquents avec le sol.
La mécanisation jusque dans les chambres
© Kärcher
Contrairement au milieu hospitalier, la mécanisation dans les chambres semble beaucoup plus courante dans les Ehpad, notamment dans les unités de vie protégé (UPV). Face à l’augmentation de la dépendance et du besoin, les méthodes et les fréquences de nettoyage ont évolué. En Ehpad, la mécanisation est fortement encouragée pour améliorer à la fois l’efficience et la qualité du nettoyage. « Nous préconisons souvent l’usage hebdomadaire d’une autolaveuse à rouleau, qui peut s’utiliser même une zone encombrée ou sous un sanitaire suspendu par le personnel soignant », avance Sébastien Nommer, chef de marché santé chez Paredes, en complétant : « et ce, en complément d’un balayage et d’un nettoyage manuel quotidien avec microfibres à usage unique + détergent. » Une mécanisation qu’on peut plus facilement prévoir et piloter dans ce type d'établissement dans l’objectif d’améliorer la
qualité perçue et la prise en charge de l’usager.