
Thierry Launois (JVD) et Bernard Lacore (Onet).
Mise en propreté des locaux : la nouvelle donne des objets connectés
« Objets connectés dans la propreté : pourquoi faire et comment les exploiter chez les clients ? » C'est le thème de la première table ronde proposée par le magazine Services lors de la matinée de webconférences organisée le 30 septembre 2021. Bureaux, aéroports, gares, centres commerciaux… ces technologies basées sur l'Internet des objets envahissent les secteurs d’activité. Ce débat fut l’occasion pour les intervenants, dirigeants d'entreprises de propreté et fabricants de solutions, de se demander quel est leur intérêt pour les entreprises de propreté ? Quels objets connectés choisir ? Pour quels clients et quels sites ? Et surtout que faire des données ?
« L'objectif de la mise en place d'objets connectés est l'amélioration des prestations au bénéfice de nos clients et sans oublier nos salariés », affirme Bernard Lacore, directeur général délégué à la propreté du groupe Onet. Les informations de différents capteurs (fréquentation, taux d'occupation, machines, remplissage des distributeurs sanitaires…) sont transmises aux agents de service via un réseau de communication et sont traitées pour mettre en place la prestation de propreté correspondante.
« Les objets connectés permettent de recevoir des données pour mieux gérer nos organisations et tendre vers une performance plus élevée », estime Tayeb Beldjoudi, directeur innovation et performance du groupe Atalian. Toutes les conditions sont réunies pour passer un nouveau cap en matière d'innovation organisationnelle et technologique. L'offre en matière d'objets connectés est de plus en plus large. « La technique n'est pas un frein au développement de ces solutions », ajoute Tayeb Beldjoudi.
« La technologie est prête et accessible », explique Thierry Launois, directeur général de JVD, fabricant d’équipements d’hygiène et de solutions de smart cleaning qui propose une gamme de distributeurs connectés de consommables et de poubelles connectées. « L'important est surtout la mise en œuvre de ces équipements dans des environnements spécifiques », poursuit-il. C'est la façon d'exploiter les données et de fiabiliser la remontée des informations au sein d'un bâtiment qui fera la différence.
Pour les PME aussi
Dès lors que les entreprises de propreté seront en capacité d'utiliser les données transmises, l'investissement ne sera plus un frein. JVD se met à leur disposition et fait en sorte que les données remontent correctement dans leur système d'information. « Il est intéressant de pouvoir enfin objectiver la qualité de la prestation de propreté avec des données précises pour apporter la traçabilité des opérations », ajoute Thierry Launois.
Il n'existe pas de frein non plus à l'adoption de la technologie. « Les PME peuvent tout à fait avoir la volonté de se lancer dans la collecte des données, poursuit Thierry Launois. Elles devront avoir une forme d'intelligence opérationnelle tout en respectant l'équation économique. Tout dépendra de leur capacité à exploiter ces données et les faire adopter par leurs équipes. »
Bernard Lacore, qui est également président de la commission Innovation et transition numérique de la FEP, tient à faire part à toutes les entreprises de propreté, y compris les plus petites, de l'intérêt que l'ensemble de la profession se lance sur ces sujets. « Il faut éviter la fracture entre les différents acteurs, estime-t-il. Tout le monde doit prendre en marche le train de l'innovation numérique. Il n'existe aucune barrière à l'entrée. » Des solutions connectées à moindre coût existent.
Quels secteurs clients ?

JVD
Thierry Launois, JVD
Aujourd'hui, les clients ne sont pas encore réellement demandeurs mais ils sont intéressés par les innovations. « Nous devons être force de propositions, estime Bernard Lacore. Nous devons anticiper leurs besoins et leurs problématiques. » Il existe deux types de secteurs plus adaptés au développement de l'IoT : le tertiaire et les établissements recevant du public. Pour le tertiaire, il s'agit surtout de sites de taille importante, à forte fréquentation et à forte variabilité. « Pour nous ce qui est intéressant, c'est d'adapter la propreté du lieu à la fréquentation », poursuit-il. Pour les ERP, gares, aéroports ou galeries marchandes, il est aussi important de mesurer les flux, y compris dans les blocs sanitaires. Quand le taux de remplissage des distributeurs est mesuré grâce à des capteurs, l'entreprise de propreté sait s'il est nécessaire de faire déplacer un de ses agents pour réapprovisionner. « Le but est d'utiliser nos ressources internes pour des tâches utiles », note Bernard Lacore.
« Les notions de flux et de taux d'occupation des bâtiments sont primordiales, confirme Tayeb Beldjoudi. Nous nous sommes rendu compte que nettoyer quotidiennement des locaux peu fréquentés n'avait pas de sens. Ces outils peuvent nous permettre de créer des modèles différents au niveau des entreprises de propreté. Nous devons être plus proches des besoins des clients. »
« L'imprévisibilité est un critère important, ajoute Thierry Launois. Avec la période actuelle, il est difficile de prévoir la fréquentation d'une tour de bureaux par exemple. L'IoT peut aider. » Le fabricant a installé quelque 2 000 équipements connectés depuis deux ans (sur quelques centaines de milliers d'appareils classiques), surtout dans des aéroports, des centres commerciaux, des bâtiments industriels et logistiques. Le surcoût par appareil connecté est d'une centaine d'euros. « Les sites isolés sont concernés aussi, précise Thierry Launois. Quand il faut parcourir une longue distance pour aller visiter un site qui est fréquenté de manière aléatoire, les objets connectés ont tout leur intérêt. »
Exploitation des données
Pour Tayeb Beldjoudi, l'objectif est d'être capable de récupérer les données et de les analyser. « Ce n'est pas le métier des entreprises de propreté. Il faut savoir quelles données choisir et comment les intégrer dans nos modèles, nuance-t-il. De nouveaux métiers vont se créer comme les datas managers. » Chez Atalian, la direction innovation et performance fait le lien entre la direction de la transformation digitale et la direction qualité. « Par la suite, les données permettront de revoir les process opérationnels pour être plus proches des besoins », note Tayeb Beldjoudi.
Onet a lancé en juin une solution baptisée Clean Connect qui permet de collecter l'ensemble des IoT et de les transformer en prestations de nettoyage des locaux utilisés grâce à un algorithme. « L'agent de propreté a chaque matin sur son smartphone l'ensemble des locaux qu'il doit traiter », indique Bernard Lacore. Le groupe a travaillé avec un prestataire spécialisé pour le développement des algorithmes. Il a mis en place des relais régionaux : ces correspondants numériques forment et accompagnent les équipes. « Simple à utiliser, cette solution doit aider les salariés à être plus autonomes et ne doit surtout pas les desservir. Elle donne du sens à leur travail », insiste Bernard Lacore.
« Les agents de propreté sont déjà habitués à utiliser des applications sur tablette ou smartphone, observe Tayeb Beldjoudi. Notre rôle est ensuite de récupérer les données et de les intégrer dans de nouveaux outils pour gagner en performance. »
Thierry Launois estime que l'on est au début d'un cycle. « Les données peuvent être utilisées pour améliorer la prestation et affecter les ressources au bon endroit au bon moment, explique Thierry Launois. Il est aussi possible de corréler celles liées au bâtiment comme la fréquentation avec des données environnementales (météo, pollution…). Dans un second cycle, il s'agira d'introduire de l'intelligence artificielle pour relier les datas et leur donner plus de sens encore au travers de modèles prédictifs. »
Vers un nouveau modèle

Atalian
Tayeb Beldjoudi, Atalian
« Nous sommes à la croisée des chemins, ajoute Tayeb Beldjoudi. La notion de rentabilité est importante tout comme la gestion de nos organisations. Quand la propreté à l'usage se développera, nous ne pourrons pas non plus aller vers une flexibilité impossible car ce sont des femmes et des hommes qui sont sur les sites. » Les modèles d'organisation du travail évolueront. La crise sanitaire a accéléré le recours aux objets connectés, car ils permettent de mieux répondre à la variabilité des taux d'occupation due aux nouveaux modes de travail dans les bureaux (télétravail, flex office…). Les agents de propreté interviendront pour le juste besoin et créeront ainsi plus de valeur ajoutée.

Onet
Bernard Lacore, Onet
« Il est aujourd'hui nécessaire de changer de paradigme. C'est plus qu'une opportunité pour les entreprises de propreté, affirme Bernard Lacore. C'est une véritable révolution pour le métier. » Le responsable pense qu'il est temps de passer d'un modèle basé sur des fréquences fixes par rapport à des surfaces à un modèle basé sur le nettoyage des surfaces utilisées. « On oublie la notion de fréquentiel et les mètres carrés construits, explique Bernard Lacore. Chaque jour est un nouveau cahier des charges fournit par les datas collectées par les IoT, transformés par l'algorithme et transmis aux agents de service. C'est une rupture totale. » Pour les sites les plus petits, la propreté à l'usage ne sera pas applicable. « La taille critique d'un site est déterminée par le retour sur investissement. Il faut pouvoir rentabiliser l'installation », prévient Bernard Lacore.
Deux modèles vont cohabiter à l'avenir. « Attention, il ne faut pas confondre avec la propreté à la demande. Il est exclu que les durées de travail de nos salariés soient modulées en fonction de l'usage des locaux », prévient Bernard Lacore.
« Il s'agit aussi d'une opportunité de sortir du schéma actuel et d'être en capacité de créer d'autres offres avec des services à forte valeur ajoutée », estime Tayeb Beldjoudi.
Vigilance juridique
Du point de vue juridique, il faut faire preuve de vigilance. « Dans les travaux de la commission Innovation et transition numérique de la FEP, nous nous sommes intéressés aux données mais aussi au respect du RGPD », explique Bernard Lacore. Un code de bonnes pratiques a été rédigé et diffusé. Il catégorise les datas : les données à caractère personnel relèvent du RGPD (pour identifier une personne), les données à caractère non personnel. Il est ensuite nécessaire de savoir comment on les traite, transfère et archive. Un code de conduite (qui sera validé par la Cnil et s'imposera aux clients) est en cours de rédaction pour protéger les données des entreprises de propreté, comme celles relatives aux salariés.
« La notion de propriété n'existe pas en matière de datas, signale Tayeb Beldjoudi, qui anime avec Bernard Lacore la commission Innovation et transition numérique de la FEP. Il s'agit plutôt d'un problème de transfert lors des échanges entre l'entreprise de propreté et son client. »
« Dans les espaces fréquentés par un public anonyme comme des sanitaires ou une salle de réunion, les données recueillies ne sont pas concernées par le RGPD, précise Thierry Launois. La question de la protection de la donnée n'est en aucun cas un frein. Tout est une question de volonté pour impulser le changement. »
Définition : c'est quoi un objet connecté ?
Un objet connecté est un dispositif de capteurs qui permet de transmettre des informations. « Il existe différentes natures de capteurs selon que l'on veuille mesurer des flux de fréquentation, des taux d'occupation des espaces, des activités d'autolaveuses ou de robots, des taux de remplissage des distributeurs dans les sanitaires ou des bornes de satisfaction, explique Bernard Lacore (Onet). On utilise aussi des capteurs de confort qui permettent de donner des informations sur la température ou sur l'hygrométrie. »
Il existe deux grandes catégories d'Iot : les objets connectés que les entreprises de propreté installent chez le client (sur un réseau privé), les capteurs déjà présents sur le site (smart building). « Il arrive qu'un traitement mixte de ces données soit réalisé pour croiser les informations », note Bernard Lacore.
Replay disponibles sur la chaîne Youtube de Services Magazine
https://www.youtube.com/watch?v=AxfbjIN-Y5s&list=PLrtE0VbV95Ux-i73H9pfWa1-ESuuBavGj
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