Philippe Jouanny, président de la FEP, tire le signal d'alarme quant à la situation très délicate des entreprises de propreté. Il demande un geste fort des pouvoirs publics, notamment pour inciter les acheteurs à accepter les revalorisations tarifaires.

Dans le contexte d’inflation générale, qui risque de se prolonger l'an prochain, comment accompagner au mieux les entreprises de propreté ?

Le contexte est clair : les revalorisations sectorielles successives peinent à être répercutées par les entreprises dans les prix. D'autant que celles-ci ont aussi subi de plein fouet la hausse des coûts des matières premières et de l'énergie. Leurs clients ont du mal à accepter des hausses de prix même si eux-mêmes les pratiquent auprès de leurs propres clients. Nous attendons un geste fort des pouvoirs publics. Nous avons déjà obtenu la levée du frein juridique pour la réévaluation des tarifs en cours de contrat (cf. avis du conseil d’État). Notre action passera maintenant par le dialogue auprès de l'État pour inciter les acheteurs publics à accepter les revalorisations, pour qu'ils entraînent ceux du secteur privé. La FEP a écrit à Élisabeth Borne et intervient régulièrement à Bercy auprès d’autres secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. De plus, nous accompagnons les entreprises au quotidien avec la création d'un kit incluant notamment un tutoriel sur la démarche de revalorisation, des informations juridiques, la plaquette sur l'augmentation des charges et un modèle de demande de revalorisation. Une juriste spécialisée en droit commercial a été recrutée.

Quelles sont les actions menées par la FEP auprès des acheteurs publics et privés ?

La question d'un achat de propreté responsable et efficace se joue à plus long terme, de manière structurelle. Avec le plan Clients créé par la FEP en 2018, de nombreuses mesures ont été mises en œuvre, comme la signature d'une charte d'engagement avec les représentants des clients (CNA et ARSEG), la création de la Cellule appels d'offres publics - qui alerte sur les non-conformités des cahiers des charges - ou l'élaboration du référentiel sectoriel RSE qui permet aux entreprises d'être proactives dans ce domaine. Nous travaillons à présent sur la question du partage de la valeur au niveau des datas. Nous continuons de mettre en avant le travail en continu et/ou en journée pour l'amélioration de la qualité et l'augmentation de la valeur servicielle des prestations de propreté. Pour rappel, 89 % des clients qui ont choisi cette organisation ne veulent pas revenir en arrière. Des démarches territoriales, soutenues par des acteurs institutionnels et des élus locaux, se multiplient à Dijon, Toulouse, Rennes ou encore Nantes.

Un autre chantier important nous attend : celui de l'élaboration d'un indice de charge sectoriel propreté qui vise à refléter plus fidèlement la réalité des variations de charge dans notre secteur en comparaison avec les indices INSEE.

En parallèle, les acheteurs doivent prendre en compte la parole et les attentes de l'utilisateur final, notamment pour l'élaboration du cahier des charges. Nous avons conçu un outil d’analyse des besoins des utilisateurs à destination des acheteurs, accessibles sur le site achat-proprete.com, où ils peuvent trouver de nombreuses informations les aidant à mieux comprendre l'achat de prestations de propreté.

Avec le plan de sobriété énergétique du gouvernement, quelles sont les mesures mises en place par la fédération pour aider ses adhérents ?

Une offre complète a été conçue à destination des adhérents avec notamment une trame de plan de sobriété énergétique, une formation en ligne et gratuite à l’attention des référents sobriété énergétique.

La sobriété énergétique est un argument fort pour le travail en continu et/ou en journée, notamment sur le fait de limiter la consommation électrique via l’éclairage ou encore la possibilité de demander à l’agent de service de vérifier l’extinction des radiateurs. Les entreprises de propreté ont là l’opportunité de se positionner en tant qu’expert.

Un rendez-vous important est prévu en janvier 2023 au ministère de la Transition énergétique pour évoquer tous ces sujets.

Après les accords salaires, quels sont les grands sujets des prochaines négociations avec les partenaires sociaux ?

Le dernier accord salaire prévoit une revalorisation des minima pour 2023 de +5.4 % en niveau qui se fera en deux temps en début d’année et au mois de juillet ce qui avec les revalorisations de 2022 enregistre des augmentations de près de 11 % sur deux ans dans un contexte inflationniste exceptionnel. Plusieurs sujets forts seront au programme des négociations l’an prochain, avec la poursuite des discussions sur le temps partiel, les rémunérations pour 2024 (RMH, prime annuelle…), la prévoyance non-cadre, la prévention des risques professionnels et les classifications (liste des emplois repères).

Le Top 70 de la propreté montre que certaines entreprises ont à peine renoué avec des niveaux d’activité comparables à l’avant-crise. Comment s’est déroulée l’année 2022 et quelles sont les perspectives pour 2023 ?

Les premières tendances indiquent une dégradation de l’activité. Pour 2023, la situation risque de s’aggraver : la survie des entreprises est en jeu car elles rencontrent des difficultés pour maintenir leurs marges. Il est compliqué de répercuter la hausse des coûts - notamment l'impact des revalorisations salariales - auprès de clients qui ont eux-mêmes des problèmes financiers, comme les copropriétés qui voient leur facture énergétique plus que doubler ou les industriels qui sont contraints de fermer leur site de production une journée par semaine… Trop souvent, les prestations de propreté sont une variable d’ajustement. Les entreprises doivent faire preuve d’agilité et être encore plus proches de leurs clients et trouver avec eux des solutions communes.

Dans cette période, la FEP aide les entreprises à garder en tête les évolutions du secteur pour anticiper les changements à venir.

Les difficultés de recrutement s’aggravent. Quelles actions seront conduites par la FEP pour renforcer l’attractivité des métiers de la propreté ?

52 000 CDI sont à pourvoir dans nos entreprises et il manque aussi 500 jeunes apprentis dans nos centres INHNI. Le secteur pâtit d’une pyramide des âges élevée : 20 % des effectifs ont plus de 55 ans. Il nous faut donc anticiper les départs massifs à la retraite. Après la Semaine des métiers de la propreté en juin 2022, un plan Attractivité Emploi Formation est lancé par la FEP. Début janvier, nous lançons aussi un baromètre d’opinion auprès des chefs d’entreprise de propreté, sur leur moral et la santé économique de leur société.

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