
Métier à part entière, le nettoyage des réseaux aérauliques est réalisé par des entreprises spécialisées, qui font partie du secteur de la propreté. La plupart des acteurs dans ce domaine sont des petites et moyennes structures. À un moment de la crise sanitaire liée au Covid-19, il y a eu beaucoup de questionnements autour de l'air intérieur et de ce qu'il pouvait véhiculer tant au niveau de la ventilation que de la climatisation. « Il existe une certaine émulation sur ce sujet, témoigne Christophe Picard, dirigeant de HQ Air. Les fournisseurs de matériels d'hygiène sont de plus en plus sollicités. Et les entreprises de propreté s'y intéressent de plus près. J'ai d'ailleurs eu plusieurs demandes pour acquérir ma société. » D'une façon générale, l'aspect qualité de l'air est de plus en plus présent : les fréquences de nettoyage des systèmes de ventilation ont augmenté.

HQ Air
Christophe Picard
Impact de la crise sanitaire ?
Le Covid-19 n'a guère eu de répercussions sur l'activité de l'entreprise. « Nous effectuons aussi des remises aux normes des installations de centrales de traitement d'air, explique Christophe Picard. Or, des clients en ont profité pour faire faire certaines opérations, leurs locaux étant inoccupés. Pendant la crise sanitaire, beaucoup d'entreprises ont demandé à passer en tout air neuf pour éviter de ventiler avec l'air recyclé. Les microgouttelettes présentes dans l'air, selon le taux d'hygrométrie, pouvaient être porteuses du virus. » HQ Air a aussi eu de nombreuses demandes de désinfection et proposait notamment des prestations de DSVA (désinfection par voie aérienne à base de peroxyde d'hydrogène) selon la norme NFT 72-281. « Les mentalités évoluent. On nous demande de mesurer le nombre de particules, le taux de COV/CO2 et le taux d'empoussièrement selon la norme NF EN 15780 des systèmes de ventilation », ajoute Christophe Picard.

Air Conseils Services
Gilles Delemare
Pendant la crise sanitaire, Air Conseils Services, active dans le dépoussiérage et la désinfection des réseaux de ventilation, a eu un pic d’activité très important durant trois mois. Puis rapidement, son activité a retrouvé un niveau normal. « Il n’y a pas réellement eu de hausse de la demande. Certains clients, comme les hôpitaux, ont systématisé le nettoyage des réseaux de ventilation tous les deux ans, tous les ans dans les blocs opératoires, poursuit Gilles Delemarle. Mais l’effet Covid-19 est vite retombé dû au coût de ces prestations. » Pourtant, un nettoyage régulier des réseaux de ventilation doit faire partie des préoccupations pour assurer une bonne qualité de l’air intérieur. En effet, la population est de plus en plus sensible à la préservation de son environnement et donc à l’air qu’elle respire. Or, tous les bâtiments anciens ou récents sont dotés, au minimum, d’un réseau de ventilation, voire d’un système de climatisation (air chaud ou froid). Cet air respiré est le plus souvent pollué par des gaines encrassées et contaminées par des dépôts résiduels (poussières) et génère des problèmes de santé (fatigue, infection pulmonaire, odeurs persistantes), nécessitant parfois un arrêt de travail.

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Avant et après le nettoyage de la gaine.
Faire évoluer les mentalités
« Pour être efficace, il faudrait effectuer un dépoussiérage et une désinfection des réseaux aérauliques une fois par an, souligne Gilles Delemarle. Dans certaines zones, la maintenance des réseaux peut être envisagée tous les trois ans en fonction de plusieurs critères comme la pollution, la situation géographique (ville), si travaux, pollens… Il est indispensable d’entretenir régulièrement les réseaux de ventilation pour la santé des utilisateurs mais aussi pour maintenir les installations en bon état de fonctionnement. Les mentalités doivent encore évoluer. »
« La pandémie de Covid-19, a confirmé 2 évidences : l’air est le principal vecteur de transmission directe des contaminations bactériennes et virales et le renouvellement régulier de l’air intérieur est fondamental. Il est donc nécessaire de disposer de réseaux aérauliques maintenus, et propres », souligne Marc Pierrepont, directeur de Clim Air, actif dans la mise en propreté des réseaux aérauliques, et spécialiste de la maîtrise de l’aérobiocontamination.
« Curieusement, la crise sanitaire n’a engendré aucune hausse d’activité, bien au contraire, puisque nombre de sites étaient fermés ou que nos interlocuteurs étaient en télétravail. À présent, les trésoreries - du fait de la crise sanitaire - sont affaiblies et la mise en propreté des réseaux aérauliques est considérée comme moins prioritaire », lance Marc Pierrepont.
« Depuis bientôt trente ans, j’exerce ce métier, poursuit Marc Pierrepont. En dépit d’une évolution régulière de la législation, la situation n’a guère évolué. Nous ne sommes essentiellement sollicités qu’en cas de nécessité (mauvaises odeurs, température inconfortable, restructuration, sinistre) et jamais de manière récurrente. Même les CHSCT semblent peu sensibilisés à ce sujet. »
Des obligations à respecter
Pour éviter au maximum les problèmes de contamination aéroportée, mutation des bactéries et des virus, la législation impose aussi bien pour la climatisation que la ventilation et la ventilation naturelle un renouvellement de l’air dans les bâtiments avec des débits précis. « Quelles que soient - en extérieur - les fluctuations du temps et des températures, la climatisation permet de maintenir en intérieur température et hygrométrie, tout en renouvelant l’air, insiste Marc Pierrepont. Plus un réseau est sale, plus il sera contaminant, et plus il sera difficile d’obtenir les débits réglementaires imposés par la législation, et indispensables au bon renouvellement de l’air intérieur. »
« Les employeurs ont des obligations légales et réglementaires - en termes de maîtrise de la qualité de l’air intérieur, et donc de protection des salariés - qu’ils semblent méconnaître, alors que notamment le Code du travail précise que les chefs d’établissements sont tenus d’assurer régulièrement le contrôle des installations d’aération et d’assainissement. De plus, une mauvaise qualité de l’air intérieur aura une influence directe sur les arrêts maladies et l’absentéisme », affirme Marc Pierrepont.

Clim Air
Marc Pierrepont
« Dans les copropriétés, les syndics d’immeubles sont obligés de faire nettoyer les réseaux de VMC une fois par an », poursuit-il. Ce respect de la législation est d’autant plus important qu’ils doivent aux résidents des débits d’air également réglementés, et qu’un réseau sale facilitera la propagation d’un incendie. Les réseaux aérauliques et de ventilation mal entretenus peuvent être le foyer idéal d’une prolifération de micro-organismes (bactéries, moisissures, levures, champignons…). « Or, chaque individu a besoin de 10 000 litres d’air par jour, et même plus en fonction de ses activités. De plus, sur une journée, nous passons 80 % de notre temps, à en intérieur, et ce sont nos présences et nos activités qui contaminent cet air intérieur : c'est le principe de l'aérobiocontamination. Il est donc indispensable qu'il soit contrôlé », estime Marc Pierrepont.
Métier ultra-spécialisé
« Il ne faut pas faire l’amalgame entre la climatisation qui traite l’air ambiant et le refroidit ou le réchauffe, et la ventilation qui fonctionne avec une partie d’air neuf et une partie de l’air intérieur qui est recyclée. La ventilation double flux est un système de plus en plus courant », affirme Christophe Picard. Avec 65 salariés, HQ Air dispose de deux agences en Île-de-France (Herblay et Chelles), ainsi qu’à Lyon et à Nantes. Créée en 2010, elle a un rayonnement presque national. « Nos techniciens ont des profils différents, note Christophe Picard. Ils viennent de la propreté, du bâtiment ou de la maintenance. Ils sont formés en interne. »

HQ Air
Chez HQ Air, il arrive qu'un robot soit utilisé pour le nettoyage des gaines.
HQ Air est actif dans le nettoyage des systèmes de ventilation et des hottes de cuisine. « C’est un métier qui existe depuis longtemps. Mais il ne s'improvise pas tant au niveau de la formation des agents que des techniques, explique Christophe Picard. Pour nettoyer des gaines, il faut un réel savoir-faire technique et du matériel adapté. Des trappes doivent être créées tout au long du parcours. Nous sommes à mi-chemin entre le bâtiment et les services. Nous avons des partenariats avec des climaticiens et des frigoristes. »
Gilles Delemarle a fondé, dans la métropole lilloise, Air Conseils Services en 2005. Avec 12 salariés, la société intervient sur toute la France. Son métier : le dépoussiérage et la désinfection des réseaux de ventilation. « Nous nous sommes aussi diversifiés dans l’activité d’audit et de contrôle, ainsi que dans la qualification de salles blanches selon les normes (prélèvements bactériens de surfaces, calculs des débits) », souligne-t-il. L'entreprise lilloise propose aussi le remplacement des filtres des centrales de traitement d’air (CTA). « Nous ne pouvons pas sérieusement effectuer un nettoyage de gaines sans remplacer les filtres, insiste Gilles Delemarle. Avant toute prestation, l’entreprise réalise une analyse complète du bâtiment. Pour le client, c’est l’occasion d’avoir un état des lieux complet et un retour concernant les éventuelles anomalies aérauliques. »
L'intérêt pour la qualité de l'air est plus fort mais ne se concrétise pas en actions.
« Lors des interventions, et lorsque nous constatons des dysfonctionnements (gaines déconnectées, moteurs en panne…), nos équipes sont en mesure d’effectuer les réparations et de proposer aux clients des travaux d’amélioration », poursuit-il. Air Conseils Services intervient en direct dans tous les secteurs d’activité (tertiaire, santé, industrie, agroalimentaire…). Elle travaille aussi avec les sociétés de maintenance CVC (chauffage, ventilation, climatisation) auxquelles elles proposent des prestations clés en mains.
Devoir de conseil
« C’est une activité très technique, précise Gilles Delemarle. Nous avons aussi une forte responsabilité en cas de rejet de poussières par exemple. » Air Conseils Services compte trois pôles d’interventions : le dépoussiérage et la désinfection, l’audit et l’installation. « La grande majorité des entreprises de propreté sous-traitent. Nous sommes à leur disposition pour toute étude ou conseil », ajoute-t-il.
Avec 12 techniciens spécialisés, Clim Air intervient sur l’ensemble du territoire national, en direct, de même qu’avec les sociétés de maintenance (Cofely, Idex, Dalkia, Engie, ACS, …). Les contrats de maintenance des FMeurs intègrent notamment la régulation, l’entretien, les contrôles, voire les changements de filtres. « Pour ce qui est du traitement des réseaux - opération ponctuelle - et complémentaire à leur activité, les FMeurs font appel à des spécialistes comme nous », souligne Marc Pierrepont.

Clim Air
Les techniciens Clim Air connectent les machines via les cheminées par lesquelles passent les gaines.
Le nettoyage des réseaux aérauliques doit être réalisé tous les huit ans minimum. « Toutefois, nous n’avons aucun contrat récurrent, ajoute-t-il. Il ne s’agit que d’opérations ponctuelles, parfois successives. » Pour lui, les entreprises de propreté ont un devoir de conseil, qui devrait inclure l’hygiène de l’air. Elles peuvent suggérer à leurs clients d’envisager cette nécessité. « Cela me semble assez complexe de se lancer, dans le cadre d’un complément d’activité, prévient le dirigeant. C’est un créneau très spécialisé, avec des modes opératoires très stricts, souvent chronophages, nos interlocuteurs ne disposant pas toujours de plans permettant de connaître les cheminements des conduits et gaines des réseaux aérauliques. Il convient alors d’être capable d'effectuer des repérages et d’établir un diagnostic pour chiffrer la prestation. Pour avoir une équipe dédiée et formée, il faut compter un investissement global de 72 000 €. »
Pour Christophe Picard, les entreprises de propreté plus traditionnelles ont une carte à jouer en termes de conseils. Elles peuvent « lever le nez » et préconiser à leurs clients de nettoyer dans un premier temps les bouches de ventilation, puis de travailler avec un partenaire pour le nettoyage des gaines.
« Les entreprises de propreté pourraient développer ce type de prestations mais elles ne sont pas positionnées pour le faire, estime Antoine Rouly. Les opérations d'hygiénisation des réseaux d'air passent par les contrats de maintenance multitechnique. »
80 %
C'est le temps passé à l'intérieur par les individus en moyenne.
10 000
Chaque individu a besoin de 10 000 litres d'air par jour.
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