Interview croisée
Vous étiez présents lors de la rencontre avec les élus locaux et la FEP le 25 septembre à Nice. Quelle opinion portez-vous sur notre branche professionnelle ?
Laurence Trastour-Isnart : Cette rencontre a donné lieu à des échanges productifs sur un secteur encore trop méconnu. Votre branche professionnelle a su faire preuve d’adaptabilité face à la pandémie de la Covid-19 qui a eu de lourdes conséquences notamment économiques en France. Elle a un savoir-faire et un professionnalisme reconnus. La crise que nous traversons le démontre : face à des contraintes légales alourdies et des protocoles sanitaires renforcés – tels que le protocole national du 1er septembre 2020 – ainsi qu’à une diminution substantielle des contrats, qui constituent un double étau, votre profession se montre à la hauteur des enjeux.
Je tiens à saluer l’engagement de toutes ces femmes et de tous ces hommes, acteurs de la propreté, qui font preuve d’un civisme de chaque instant en répondant présent. Mon opinion est dès lors très positive sur cette filière, porteuse d’emploi, avec plus de 13 000 entreprises et 540 000 emplois à l’échelle nationale dont 100 000 postes nets créés sur les dix dernières années.
Cédric Roussel : Le secteur de la propreté a su innover et se renouveler au cours des dernières années avec une croissance bien supérieure à la moyenne. À travers mes échanges avec votre profession, et notamment de jeunes entrepreneurs, j’ai pu mesurer la réelle volonté d’aller de l’avant et de placer l’humain au cœur de cette évolution.
Ce dynamisme, on l’a vu à l’œuvre ces derniers mois et en cette période de crise sans précédent. La place essentielle des acteurs de la propreté a été saluée unanimement lors du déconfinement et de la reprise de l’activité. On le voit tous les jours, c’est une filière essentielle dans la lutte contre la propagation du coronavirus. Plus que jamais, la vigilance sanitaire est de mise pour permettre le vivre ensemble et le travailler ensemble et les entreprises de propreté sont aujourd’hui vecteur de confiance et contribuent donc à la reprise économique. Il y a eu, au cours des derniers mois, une "reconsidération" pour ce secteur de l’ombre. Cela marquera, j’en suis certain, une étape importante dans le développement de la filière.
Les entreprises de propreté sont aujourd’hui vecteur de confiance et contribuent donc à la reprise économique.
Dans les Alpes-Maritimes, le secteur de l’hôtellerie et les secteurs connexes qui en dépendent, comme la propreté, ont été impactés par la crise. Aujourd’hui, la propreté est parvenue, non sans bataille, à intégrer les secteurs connexes bénéficiaires des aides d’État. Quel message adressez-vous à ces entreprises en difficulté ?
Laurence Trastour-Isnart : Une part déterminante de l’économie des Alpes-Maritimes est portée par le tourisme, et de facto par l’hôtellerie, dont dépendent directement de nombreux emplois de la propreté. En raison de la baisse d’activité et des nombreuses mesures gouvernementales, une reprise normale de l’activité va être difficile, particulièrement pour le secteur de la propreté de notre département qui compte plus de 600 entreprises et 10 000 salariés, et qui est fortement atteint.
Il est anormal que la propreté ait été absente des secteurs connexes bénéficiaires des aides d’État (décret n° 2020-371), alors qu'elle a été durement affectée par la crise. C’est pour cette raison que j’ai déposé une question écrite au gouvernement le 5 octobre dernier pour lui demander s’il entendait intégrer la propreté dans les secteurs connexes. Je crois que le message a été reçu.
Cédric Roussel : Si la question de la propreté est devenue cruciale avec la crise, il n’en demeure pas moins que les TPE/PME - qui constituent l’essentiel de ce secteur - sont particulièrement touchées par un environnement économique défavorable : baisse d’activité des clients, télétravail, vigilance sur les frais généraux… Sur la Côte d’Azur, l’activité tertiaire est très impactée avec une attention particulière pour l’hôtellerie qui se trouve dans l’œil du cyclone. La baisse considérable de la clientèle étrangère et de l’activité des congrès explique cette situation critique pour nos hôtels et l’effet domino sur le secteur de la propreté.
En travaillant avec des collègues députés sur le plan tourisme et le plan de relance aux côtés du ministre de l’Economie, je souhaite saluer aujourd’hui les nouvelles mesures prises par le gouvernement qui a bien entendu et compris vos difficultés. En effet, parallèlement à l’annonce de nouvelles restrictions, les activités de nettoyage courant des bâtiments ont été intégrées dans la liste des entreprises pouvant bénéficier des mesures du plan Tourisme. En tant que député, je veillerai à ce que ces mesures d’urgence soient mises en œuvre rapidement grâce à la mobilisation des différents services de l’État et des banques.
L’apprentissage et l’alternance sont des leviers d’emplois importants pour nos métiers. Les aides mises en place par l’État vous semblent-elles satisfaisantes au regard de la crise économique actuelle ?
Cédric Roussel : Le secteur de la propreté souffre d’un déficit de jeunes : seul un quart des effectifs a moins de 35 ans. Les nombreuses actions initiées par la FEP pour rendre le secteur plus attractif sont à souligner. En ces temps de crise, encourager l’emploi des jeunes est plus que jamais nécessaire.
Le plan #1jeune1emploi du gouvernement est un soutien massif au recrutement des jeunes et au développement de l’alternance. Ces mesures permettent de faire baisser le coût du travail ce qui est un réel avantage pour le secteur de la propreté dont le prix de revient des prestations est composé à 80 % par la masse salariale. Tous ensemble nous devons accompagner leur mise en œuvre et vous pouvez compter sur mon soutien.
Laurence Trastour-Isnart : Une des clés de la corrélation entre emploi et formation tient à l’apprentissage et à l’alternance qui permettent de se préparer de manière théorique et pratique à un futur métier. Cela est d’autant plus vrai pour votre secteur qui a su s’adapter à la transition en assurant une offre renouvelée et exigeante.
À mon sens, un double défi se présente à l’État. Dans un premier temps, il doit résoudre l’inadéquation évidente entre l’accompagnement financier qu’il a prévu et la situation dégradée du secteur, l’aide reçue ne répondant que partiellement aux pertes réelles. Dans un second temps, la réponse de l’État devrait être d’ordre plus général : il faut refonder la fiscalité qui pèse actuellement sur nos entreprises. Elle est trop élevée et techniquement trop complexe. En outre, notre pays fait partie du trio de tête des pays faisant peser le plus de prélèvements obligatoires sur nos entreprises. Dès lors, il importe de procéder à un choc de simplification fiscale.
En conclusion, votre secteur répond aux défis actuels par une formation adaptée qui se renouvelle continuellement. Or, le Gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux, au regard de la crise économique actuelle, et devra veiller à instaurer des aides adaptées aux problématiques rencontrées.