
« Les paysagistes ont rapidement compris l'intérêt du désherbage mécanique en solution alternative aux méthodes chimiques, proscrites depuis 2018, souligne Éric Hanot, directeur général de Labor Hako. Les entreprises de nettoiement se sont aussi positionnées sur ce créneau. » La méthode est purement mécanique et ne nécessite aucun produit phytosanitaire. Il existe un important potentiel que les professionnels de la propreté pourraient exploiter. « C'est une réelle opportunité », indique le directeur. « En complétant l'utilisation d'une balayeuse par du désherbage, la machine est mieux amortie, ce qui permet de réduire les coûts d'exploitation, poursuit-il. Les balayeuses peuvent circuler sur toutes les routes. Il reste à voir s'il est possible de mutualiser les prestations. »
© Labor Hako - La Citymaster 650 de Labor Hako permet de réaliser trois opérations en une : balayage, désherbage, ramassage.
Un potentiel à exploiter
Il existe un fort potentiel sur ce marché même si les orientations environnementales de certaines communes impliquent un désherbage moins fréquent. Il y a trois grandes périodes d’activité : sortie de l’hiver, fin juin – début juillet, octobre. GSF travaille surtout avec des clients privés dans le tertiaire (sièges sociaux, campus…), l’industrie, la logistique. « Chaque entreprise a un espace vert, note Vincent Bouhours, responsable développement services associés, 3D et espaces verts pour GSF en région Ile-de-France. L’entretien des espaces verts représente en moyenne 7 à 12 % de la valeur du marché propreté, en règle générale. Cela peut même aller jusqu’à 25 %. » Ce pan de l’activité recouvre aussi le déneigement ou l’élagage.
Chez Labor Hako, on a constaté une hausse de la demande de balayeuses de voirie (achat ou location), équipées d'un bras pour le désherbage mécanique. « Certaines entreprises de propreté se sont engagées sur le créneau de l'entretien des espaces verts, explique Éric Hanot. Les balayeuses de voirie peuvent aussi effectuer des opérations de désherbage mécanique pour les communes mais aussi pour les sites industriels ou logistiques, les centres hospitaliers. » Ce type de prestations permet d'apporter une valeur ajoutée à leur offre. Avec la Citymaster 650 ou 1 650, il est possible de réaliser trois opérations en une : balayage, désherbage, ramassage. Les balayeuses sont principalement utilisées par les entreprises de propreté pour l'entretien des parkings de supermarchés. En y ajoutant un outil comme une brosse mécanique qui arrache l'herbe - celle-ci étant récupérée par une jupe en caoutchouc avant d'être aspirée - elles peuvent intervenir dans l'entretien de la voirie. Des entreprises comme Azurial ou GSF ont des divisions Espaces verts qui enregistrent une forte croissance.
Vincent Batista, chef de produits chez Kärcher, témoigne pour sa part d'une légère tendance des collectivités à externaliser le désherbage. « C'est assez rare mais cela peut se présenter. C'est un mouvement assez lent », souligne-t-il. Le secteur public a historiquement peu externalisé en raison notamment de la gestion du personnel. « Les besoins en matière de désherbage constituent pour nous un levier important pour les ventes de balayeuses, ajoute Vincent Batista. Pour ce type de matériels, les entreprises de propreté s'orientent vers un prix d'achat assez bas donc souvent sans bras de désherbage. Elles répondent à un chantier et investissent en fonction. » Parfois, le constructeur prend en charge la maintenance des balayeuses pour les grosses communes.
« Le développement du désherbage mécanique n'est pas lié qu'aux collectivités mais aussi aux secteurs tertiaire ou industriel. »
« Il est dommage que les collectivités n'aient pas suffisamment profité des subventions de la loi Labbé pour mettre en place des solutions alternatives, poursuit Vincent Batista. Cela devient aussi un réel sujet politique par rapport aux préoccupations environnementales : on laisse ou on désherbe. » L'avantage des balayeuses de voirie et des porte-outils, qui remplacent souvent les tracteurs dans la fonction de désherbage, est leur polyvalence. Pour Vincent Batista, il existe un réel potentiel sur ce marché de niche, en particulier dans les communes qui veulent préserver leur image. Ajouter un bras de désherbage mécanique est un investissement qui peut être vite amorti.
Pour les collectivités, il existe plusieurs solutions techniques : désherbage à l'eau chaude (pour les endroits difficiles d’accès), mécanique ou thermique. « L'investissement peut être élevé, estime Vincent Batista. Les collectivités préfèrent alors sous-traiter pour répondre à des besoins ponctuels. Kärcher propose une gamme complète de balayeuses pouvant faire du désherbage mécanique. Elles peuvent balayer et désherber en même temps. »
© Karcher - Kärcher propose une gamme complète de balayeuses pouvant faire du désherbage mécanique.
Un investissement élevé
En raison d’un investissement matériel assez élevé, les professionnels de la propreté qui assurent des prestations d’entretien des espaces verts sont souvent les grandes structures. Certains groupes se positionnent sur ce créneau en reprenant des sociétés spécialisées, ce qui n'est pas le cas de GSF qui a fait le choix de se développer en interne. « Depuis quatre ans, nous développons l’activité Espaces verts à partir de l’établissement de Melun, explique Vincent Bouhours. J’ai été recruté pour cela. Nous mettons en place une gestion différenciée adaptée à la problématique de chaque client. » L’entreprise s’est d’abord attachée à développer cette prestation chez les clients existants pour apporter un service supplémentaire, accroître la durée des contrats et fidéliser. Ayant adopté une politique écoresponsable depuis longtemps, elle a anticipé l’interdiction des produits phytosanitaires en proposant du désherbage mécanisé. GSF a récemment remporté plusieurs marchés référents dans l’entretien d’espaces verts : l’activité commence à se structurer. « Depuis un an, nous la déployons sur d’autres établissements du groupe, notamment à Lyon, précise Vincent Bouhours. Nous commençons aussi à nous intéresser à d’autres marchés spécifiques sur les espaces verts en prenant de nouveaux chantiers en région parisienne. »
VINCENT BOUHOUR, GSF
Cette activité nécessitant un investissement élevé, GSF choisit ses clients en particulier selon leur taille. « Afin d'avoir des capacités d'investissement, nous ciblons les gros marchés qui ont d’importants espaces verts, indique Vincent Bouhours. Au démarrage de ces prestations, en 2016, le groupe a investi dans du matériel dédié. Aujourd’hui, nous privilégions les investissements qui correspondent à l'ensemble des prestations possibles. » Le groupe GSF laisse le libre choix aux chefs d’établissement d’acheter ou de louer les équipements. Elle utilise notamment les machines porte-outils proposées par l'un de leurs fournisseurs Labor Hako, dotées d’une brosse mécanisée. « Elles permettent une forte polyvalence puisqu’elles peuvent effectuer des prestations de balayage mais aussi de désherbage mécanique en solution alternative aux produits phytosanitaires. Cette mutualisation est très intéressante pour nous, affirme Vincent Bouhours. Nous avons essayé d’autres solutions comme les brûleurs thermiques, les appareils à vapeur à eau chaude et l’air chaud propulsé. Mais elles sont beaucoup plus lourdes à mettre en œuvre. »
Des synergies avec la propreté
GSF reprend en interne la réalisation de prestations qu’il confiait auparavant à des sous-traitants « au fur et à mesure de nos possibilités, précise Vincent Bouhours. Les équipes GSF portent ainsi les valeurs du groupe : sécurité, image et réactivité. Nous l’avons fait pour l’entretien des espaces verts et pour la gestion des déchets, et bientôt aussi pour l’activité 4D (désinsectisation, dératisation, désinfection et dépigeonnisation). »
Côté ressources humaines, l’avantage de l’entretien des espaces verts est que ce métier fait partie de la convention collective de la propreté et des services associés. Ainsi, si GSF compte des effectifs spécialisés, il fait aussi appel au vivier que constituent ses agents de propreté – sur la base du volontariat – qui souhaitent évoluer, apprendre un autre métier ou compléter leurs heures. « Nous faisons donc appel dans ce cas-là à la formation pour faire monter en compétences les personnes désireuses de travailler dans les espaces verts, explicite Vincent Bouhours. De toute façon, la formation est indispensable dès qu’il s’agit de nouvelles activités, de nouvelles techniques. »
Témoignage
« À l'abandon »
« Depuis l'interdiction des produits phytosanitaires, on constate un certain abandon de la part des communes qui ne font plus l'effort d'entretenir et de désherber les trottoirs. Ce type de prestations est assez peu demandé par les donneurs d'ordres pour des raisons de budget », déplore Thierry Claire, dirigeant de l'entreprise Osten à Montfermeil (Seine-St-Denis), active dans la propreté et dans l'entretien des espaces verts. Le professionnel a vu ses demandes de chiffrage en désherbage diminuer car les clients pensent que les méthodes alternatives coûtent trop cher. L'investissement mécanique est trop élevé. « Et il est devenu plus acceptable de laisser au naturel les espaces, ajoute-t-il. Ce n'est plus une priorité et les gens tolèrent plus facilement qu'avant les mauvaises herbes sur les trottoirs ou même dans les carrés de fleurs. » Résultat : le désherbage ne fait plus systématiquement partie des cahiers des charges dans les contrats d'entretien des espaces verts. « Nous mettons du broyat d'élagage pour éviter que les mauvaises herbes ne poussent dans les massifs, cela permet aussi de réutiliser les déchets plutôt que de devoir les évacuer », affirme Thierry Claire.
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