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Concilier une approche différente des clients et une réponse technique pertinente est indispensable pour répondre aux demandes de décontamination après sinistre. Cette activité, dont le potentiel de développement est important, est un segment sur lequel les entreprises de propreté peuvent se positionner. Mais pas n’importe comment.

Pour s’adapter aux demandes en décontamination après sinistre, « la formation est indispensable car les techniques spécifiques sont très exigeantes », affirme Hervé Huriaux, gérant de CTSA Sinistres (Manche) et président de la commission après-sinistres créée au sein de la FEP en 2018. Son entreprise (37 salariés, 3 M€ de chiffre d’affaires) est spécialisée depuis trente ans dans ce domaine. « Il faut faire preuve de beaucoup de tact car on entre dans l’intimité des personnes, affirme Thierry Varlet, directeur commercial de 3ID. Quelle que soit l’ampleur du sinistre, l’assuré est toujours choqué car ce sont ses biens personnels qui sont touchés ou son outil de travail. »

Pour Aurélie Demairé, à la tête d’ADTech Normandie, la notion d’urgence est très importante pour éviter l’aggravation des dommages : « L’organisation pour une intervention rapide est un savoir-faire particulier. À chaque appel, nous devons évaluer le degré d’urgence. Une fois sur place, nous faisons tout pour sauver le maximum de choses. » L’essence même du métier est de nettoyer et sauver ce qui est possible. « Ainsi, nos interventions s’inscrivent à la fois dans une démarche économique (sauvegarde = maîtrise des coûts) et dans une démarche environnementale (sauvegarde = moins de rebuts et de déchets) », souligne Hervé Huriaux. « Nous devons être organisés et réactifs pour intervenir en urgence avec les équipes et le matériel adaptés et suffisants, ajoute Ivan Pion-Goureau, gérant de A2C Services (Aix-en-Provence). Tous les jours, nous devons réorganiser les plannings. »

Plusieurs métiers existent. Sur le créneau de l’après décès, les entreprises sont assez rares (lire l'article p. 25). « C’est un métier très spécifique, il faut être capable d’apporter une réponse adaptée », estime Baptiste Girardet, PDG de SAS Sang Froid, basée en Ile-de-France. Pour le nettoyage après incendie ou inondation, le marché se structure avec des entreprises nationales et régionales. « La majorité des acteurs en Normandie sont des locaux, indique Aurélie Demairé. Certains groupes de propreté ont créé une entité spécialisée, avec un succès limité. » La concentration se poursuit. « Il va être plus difficile pour les indépendants de faire leur place. Nous devons nous développer sur des activités parallèles », ajoute-t-elle. Si les clients des entreprises spécialisées restent les particuliers ou les professionnels, les prescripteurs sont les assureurs et les cabinets d’experts. Pour rappel, l'assuré, victime d'un sinistre, peut solliciter de son côté des entreprises spécialisées afin d'obtenir des devis puis choisir le prestataire qui interviendra dans ses locaux ou logement.

« Il n’est pas évident d’entrer sur le marché de l’après-sinistre, fortement piloté par les compagnies d’assurances et les experts », estime Ivan Pion-Goureau. L’entreprise doit être structurée, réactive et avoir du personnel volant qualifié. « Au niveau administratif et financier, il faut avoir les reins solides, en particulier avec les délais de règlement », poursuit le chef d’entreprise. « On se doit d’apporter aux compagnies d’assurances une forte réactivité sur le suivi administratif de leurs dossiers, affirme Thierry Varlet. Au sein du siège de 3iD à Valence, les équipes suivent jusqu’à 13 extranets différents. »

Des acteurs nationaux

Le groupe 3iD (intervention incendie, inondation, décontamination) est l’un des acteurs les plus importants (250 salariés, 34 M€ de chiffre d’affaires en 2018). Il a été créé en 1994 par trois actionnaires, issus du monde de la propreté traditionnelle. Au départ, trois prestations sont développées : la décontamination après incendie, l’assèchement après inondation ou dégât des eaux, les interventions après événements climatiques. Trois autres métiers ont ensuite été créés : 3iD Rénovation en 2001 (entreprise de bâtiment), 3iD Désamiantage et 3iD Recherche de fuites. Dernière actualité en date et non des moindres : le rapprochement avec Vital Assistance le 1er mai 2019. « Historiquement, nous sommes fortement présents sur toute la moitié Est de la France et la région parisienne tandis que Vital Assistance est surtout présent dans le grand ouest. Notre maillage est très complémentaire, signale Thierry Varlet. Ce rapprochement constitue un nouveau groupe - dont le nom sera bientôt communiqué - tout en conservant les différentes marques sur le terrain. » L’ensemble représente environ 80 M€ de chiffre d’affaires avec 850 collaborateurs. « Beaucoup d’axes de développement sont à l’étude. En effet, le potentiel de l’après-sinistre est important car le marché est vaste », témoigne Thierry Varlet.

Des entreprises régionales

Aurélie Demairé a créé ADTech Normandie (12 salariés) à Caen début 2015 et réalise un chiffre d'affaires de 875 000 € dans la recherche de fuites, l'assèchement après dégât des eaux, la décontamination après dégât des eaux. La remise en état après-sinistre a été développée en 2017. « Nos clients syndicats de copropriété et experts d’assurance souhaitent avoir un interlocuteur unique pour l’ensemble de la gestion après-sinistre », souligne Aurélie Demairé.

AC2 Services a débuté avec l’après sinistre pour ensuite développer d’autres prestations (décontamination d’archives, propreté urbaine, traitement haut de gamme sur des matériaux nobles pour des yachts de luxe), notamment pour lisser les pics d'activité. Créée en 1992, l’entreprise compte aujourd’hui 25 personnes et réalise un tiers de son chiffre d’affaires dans l’après sinistre : assèchement, après incendie et dégât des eaux.

Accompagnement des familles

Les entreprises doivent avoir une approche particulière des victimes d’un sinistre ou des familles lors d’un décès. « Nous passons parfois en premier sur les sites sinistrés, souvent après l’expert, affirme Aurélie Demairé. Les gens ont souvent beaucoup de questions qui ne nous concernent pas toutes. Il faut savoir y répondre. Nous devons leur expliquer ce qui va se passer et en même temps rester à la bonne place. »

« Les chefs d’équipe ont un rôle crucial dans l’approche des clients très fragilisés, estime Ivan Pion-Goureau. Souvent, les particuliers concernés pensent ne rien pouvoir récupérer. La première prise de contact est primordiale pour gagner leur confiance. Psychologie et expérience terrain sont alors indispensables. » Faire preuve de professionnalisme pour rassurer les personnes passe par un traitement administratif rigoureux, une tenue de travail et des procédures de mise en place du matériel.

Le cursus proposé par l'organisme Forma’sinistres - créé par Hervé Huriaux - comporte une approche psychologique des victimes. « Empathie et discrétion sont primordiales car nous rentrons dans l’intimité des particuliers, souligne Hervé Huriaux. Les collaborateurs peuvent aussi en avoir besoin pour leur propre chef, en particulier sur les scènes traumatiques, pour arriver à garder une certaine distance. »

« Nous cherchons à apporter une réponse pour aider les victimes. Pour être pertinents dans notre approche des familles, il faut s’intéresser à la psychologie opérationnelle », considère Baptiste Girardet. L’entrepreneur est entouré d’un psychologue. Les collaborateurs doivent être neutres et discrets. « On ne peut pas franchir la barrière. C’est difficile car il y a parfois une surcharge émotionnelle importante », poursuit-il.

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Recrutement et formation

En proposant un temps plein et le travail de jour, CTSA Sinistres ne rencontre pas de difficulté de recrutement. D’autant que l’activité est valorisante pour les techniciens qui ressentent une forte utilité sociale. Au sein de l’entreprise A2C Services, 80 % de ses collaborateurs sont polyvalents. Ils travaillent de jour à temps plein et ont une ancienneté moyenne supérieure à dix ans. Ils ont tous suivi une formation interne.

Pour ADTech, la difficulté est de trouver des collaborateurs disposant d’une sensibilité particulière et d’un savoir être pour la décontamination après inondation/incendie. « Nous avons besoin de personnels polyvalents pour gérer les pics d’activité », souligne Aurélie Demairé. ADTech dispense une formation en interne pour que ses salariés aient la bonne attitude. Aurélie Demairé envoie ses collaborateurs chez des partenaires pour qu’ils soient formés. « Avec ces entreprises, nous nous échangeons aussi des matériels tels que les assécheurs, déshumidificateurs et ventilateurs qui représentent un investissement important et dont on peut avoir besoin en nombre lors d’événements climatiques », ajoute-t-elle. Pour répondre aux besoins en matière de formation, Hervé Huriaux a créé Forma’sinistres, un organisme agréé et labellisé pour les techniques de base de la propreté (y compris les CQP) et surtout qui propose des modules spécifiques sur l’après sinistre. « Nous sommes le seul centre de formation en situation réelle car nous disposons d’un studio que l’on peut enfumer ou inonder, indique-t-il. Bientôt, nous lancerons un camion itinérant accueillant un studio enfumable et inondable. »

L’organisme cible les entreprises de propreté qui souhaitent former des salariés pour devenir des professionnels de la décontamination. Il interviendra aussi en soutien du réseau de concessions CTSA Sinistres qu’Hervé Huriaux entend créer, sur des formations continues niveau « expert ». Une formation complète dure 245 heures Le groupe 3ID est doté d’une académie pour former ses collaborateurs. Pour des questions de sécurité et souvent pour déplacer le mobilier, les interventions sont réalisées par équipes de deux personnes au minimum. Les sal

Équipements spécifiques

Des méthodes spécifiques sont utilisées dans les métiers de l'après sinistre. Pour la décontamination, ADTech teste et adapte les produits aux multiples applications (fongicides, désinfectants, dégraissants). Pour intervenir des EPI sont indispensables : combinaisons, surchaussures, protections respiratoires et oculaires, plusieurs couches de gants.

« Le métier de la décontamination après décès n’existe pas en France, affirme Baptiste Girardet. Il faut le faire connaître. C’est pourquoi j’ai trouvé opportun d’adhérer à la FEP. » « Avec la commission créée au sein de la FEP, nous allons pouvoir fédérer ce métier et faire en sorte que son développement ne soit pas anarchique, affirme Ivan Pion-Goureau. La fédération pourra aussi porter les engagements RSE auprès des prescripteurs et clients et peut-être éviter les politiques de prix bas. »

« Avec la commission après sinistre de la FEP, nous travaillons à la valorisation de nos métiers en construisant une offre de formation au sein de la Branche », ajoute Hervé Huriaux. Forma’sinistre pourra proposer dès la prochaine rentrée scolaire des modules Découvertes à l’attention des jeunes apprentis dans les CFA Propreté Inhni, mais aussi des modules Pro, tournés vers les entreprises de propreté demandeuses de techniques et souhaitant renforcer des compétences.

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Zoom

L’après décès, une spécialité de niche

Sapeur-Pompier de Paris pendant onze ans puis membre de la police technique et scientifique, c’est en constatant l’absence de services intervenant après un décès que Baptiste Girardet a eu l’idée de créer une entreprise spécialisée en janvier 2017 avec six autres associés. « Au début des années 2000, cette spécialité n’existait pas du tout, ce qui pouvait laisser les familles de la victime dans l’embarras », explique-t-il. Avec deux personnes à temps plein, Sang Froid travaille avec les familles et non avec les assurances, et parfois pour des entreprises de propreté. Quelques sociétés plus traditionnelles se sont lancées sur cette niche. M’Nett à Toulouse a démarré en 2013 des prestations pour l’après décès. « Cette activité représente aujourd’hui à peine 7 % de notre chiffre d’affaires. Nous devons nous faire connaître », explique Jocelyne Vidal, gérante de M’Nett. Trois salariés y sont dédiés. L’entreprise toulousaine va signer une convention de partenariat avec une entreprise funéraire, lui permettant d’étendre son activité vers Montpellier.« Aujourd’hui, ce sont les familles qui ont en charge le nettoyage après décès, indique Jocelyne Vidal. Avec cette convention, le coût sera inclus dans le forfait funéraire. »

Pour Sang Froid, le recrutement est très compliqué. « Personne n’aime nettoyer du sang, précise Baptiste Girardet. Par contre, une fois la mission accomplie, le technicien se sent très utile. » Ils sont formés et effectuent une période de test. Sang Froid est la seule société française à avoir une certification dans ce domaine : RSA (Restauration Sciences Academy) pour le Canada et IICRC pour l’Amérique du Nord. « C’est regrettable que les assurances n’indemnisent pas la décontamination après décès », déplore Baptiste Girardet. Pour lui, c’est peut-être une activité intéressante pour les entreprises de propreté, même si cela reste une niche pour laquelle il faut être capable de porter certaines valeurs et d’avoir une expertise technique pointue. « L’objectif à terme est de créer des agences, filiales ou franchises ayant le même savoir-faire en régions partout en France », estime le dirigeant. Lequel est en train de monter une formation de deux semaines dont 80 % de pratique, suivie d’un stage chez Sang Froid. « Il est possible de se développer sur ce créneau à condition de savoir s’entourer et d’acquérir un savoir être qui passe par la délicatesse, la discrétion et la confidentialité, complète Jocelyne Vidal. L’aspect humain est primordial. Une fibre sociale est indispensable pour se lancer dans cette activité. ». « Avant d’intervenir, il faut prendre le temps d’écouter sans poser de question, estime Jocelyne Vidal. Nous sommes entours d’une psychologue du travail et d’une infirmière. Il est important de se soucier de nos collaborateurs qui peuvent avoir besoin de parler après ce type d’intervention. » M’Nett a formé en interne les trois salariés issus de l’activité de nettoyage industriel auxquels elle a proposé d’évoluer vers ce métier. « Un protocole a été écrit pour les guider dans les interventions. Une fiche de contrôle de traçabilité des différentes étapes est établie et fournie au client », indique Jocelyne Vidal.

Pour les équipements, M’Nett est équipé d’un véhicule et de matériels dédiés. « Tout ce que nous utilisons pour cette activité est systématiquement jeté ou désinfecté, puis stocké dans un local à part », ajoute Jocelyne Vidal. Pour le traitement des déchets, l’entreprise travaille avec des sites hospitaliers et place les déchets dans des sacs spécifiques DASRI apportés ensuite dans les incinérateurs. Elle utilise des désinfectants, virucides et antibactériens, ainsi que des lingettes à usage unique. « Nous faisons aussi appel à un appareil de biodésinfection aérienne proposé par Nocospray (avec une solution à base de peroxyde d’hydrogène) pour assainir l’air », précise Jocelyne Vidal. Sang Froid a investi dans des appareils à filtration HEPA à hautes particules, fabriqués aux États- Unis, qui sont nécessaires pour le traitement des odeurs et côté chimie dans des produits écolabellisés fabriqués en France. Le traitement des déchets est particulier (incinération dans une filière de traitement de déchets médicaux à risques infectieux).

Incendie de Notre-Dame

La propreté se mobilise

Après l’incendie de Notre-Dame de Paris, les entreprises de propreté spécialisées dans l’intervention après sinistre se mobilisent. Elles proposent leur savoir-faire et compétences pour évaluer les besoins du chantier de réhabilitation du monument. L’enjeu est de limiter la dégradation par des mesures conservatoires et de préparer les supports à la réhabilitation. Ces entreprises ont pour habitude d’intervenir sur des sinistres touchant à la fois les particuliers mais aussi les bâtiments publics et privés. Forts de leur expérience sur le terrain lors d’inondations ou d’événements climatiques, ces chefs d’entreprise sont capables de répondre aux besoins techniques qu’exige ce chantier : assèchements techniques, opération de mesure de sauvegarde, sauvetage des archives ecclésiastiques, décontamination et traitement des sols, pierres et voûtes, décontamination de toutes les catégories de suies. Pour répondre à ce grand défi, la FEP s’engage à réunir ses forces et compétences dans un groupement d’entreprises de propreté spécialisées dans l’après-sinistre d’ores et déjà opérationnelles.