Poussées par la nécessité de réduire leur impact environnemental mais aussi par les différentes réglementations, les entreprises de propreté doivent revoir leur politique en matière de renouvellement de la flotte automobile, de manière pragmatique et adaptée. Fini le diesel, place à l'électrique ou aussi à l'essence, sans oublier les solutions de mobilité alternatives.

Aujourd'hui, les flottes automobiles des entreprises de propreté sont composées de 80 à 90 % de véhicules diesel, plutôt des petites fourgonnettes type Express et Kangoo voire parfois des Master ou Partner. Les véhicules constituent le deuxième poste de charges après les salaires. « Le choix du diesel a longtemps prévalu pour des raisons d'économie, de durabilité et de performance », souligne John Cleworth, directeur produits VU & clients professionnels chez Renault. Depuis quelques années, on assiste à une diversification accrue des énergies sur le marché des véhicules utilitaires. Plusieurs raisons expliquent cette tendance : la diversification de l’offre des constructeurs, les engagements RSE des professionnels de la propreté, l'optimisation des coûts de carburant et les exigences des clients.

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© Yves Forestier/ Renault
John Cleworth, Renault« L'investissement est plus élevé pour les véhicules électriques mais les loyers sont intéressants en termes d'exploitation. »

« Le coût du véhicule est un critère important. Les entreprises doivent se préparer aux évolutions réglementaires, ajoute John Cleworth. Celles qui interviennent en zones à faibles émissions (ZFE) doivent anticiper le fait que les moteurs diesel ne seront plus admis dès 2024. » Certains véhicules, Crit'air 3, 4 et 5, sont déjà proscrits dans ces zones. Les lois LOM et Climat & Résilience sont à prendre en compte lors du renouvellement de la flotte automobile. Déjà, depuis le 1er janvier 2022, les entreprises disposant d'un parc automobile de plus de 100 véhicules doivent renouveler au moins 10 % de leur flotte en véhicules propres, c'est-à-dire générant moins de 60 g de CO2 par kilomètre (loi LOM). Les règles vont se durcir dans les années à venir (20 % du parc en 2024, 40 % en 2027, 70 % en 2030). Dans les marchés publics, le respect de ces critères environnementaux peut être intégré dans les contrats de prestation de propreté. Du côté des constructeurs, ils doivent se mettre en conformité avec la loi qui leur impose de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre.

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© Alphabet
Alphabet est une société spécialisée dans la location dé véhicules pour les entreprises.

Quels financements ?

Au niveau des solutions de financement, tout dépend des usages. Les entreprises intervenant dans des zones urbaines choisissent parfois des solutions de financement en crédit sur des durées longues car les véhicules sont malmenés. « Les petites entreprises et les artisans ont tendance à privilégier le crédit-bail tandis que les grandes entreprises optent pour la location de longue durée », souligne John Cleworth.

« Il existe plusieurs options : achat en propre ou location longue durée, indique Laurent Petit, responsable marketing & business development au sein de la société Alphabet, spécialisée dans les solutions de mobilité pour les entreprises. La grande majorité des entreprises utilisant plus de 10 véhicules se tourne vers la location longue durée, qui permet de lisser les dépenses et de maîtriser les coûts sur la durée du contrat. En tant que loueur, nous prenons le risque sur la valeur résiduelle (et donc sur la revente du véhicule) à la place de nos clients et nous proposons des services inclus aux loyers comme la maintenance et les pneumatiques (pour lesquels nous supportons également le risque). » Alphabet met des véhicules et des solutions de mobilité à disposition des entreprises, tout en privilégiant la proximité avec ses clients. Ce loueur propose toutes les marques, modèles et types de véhicules à ses clients selon leurs besoins et ceux de leurs salariés. « Les véhicules utilitaires sont un véritable outil de production pour une entreprise, ils sont essentiels à son développement. Nous sommes là pour garantir la mobilité des collaborateurs de nos clients », indique Laurent Petit.

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© ChargePoint
ChargePoint est spécialisée dans la gestion du réseau et des bornes pour les véhicules électriques.

Électrique ou essence en transition

« Pour la transformation des flottes, il faut être pragmatique. Dans certaines zones, l’électrification n’a pas de sens, ajoute Laurent Petit. Choisir des véhicules à essence ou hybrides rechargeables peut être une solution transitoire. »

Les entreprises ont le choix entre plusieurs solutions : essence, électrique, hybride, hydrogène… « Il existe une demande de plus en plus forte pour les fourgonnettes roulant à l'essence, qui bénéficient du Crit'air 1, note John Cleworth. Le coût du sans-plomb 95 est aujourd'hui inférieur au diesel et le prix d'achat du véhicule est moindre. » L'essence représente environ 15 % des ventes et continue de progresser. Dans cette démarche de renouvellement de flotte, la première étape consiste à réaliser un audit : type de déplacements, zones d'intervention, distances… Plusieurs acteurs, constructeurs ou loueurs, le proposent. « Nous analysons les besoins spécifiques des clients via nos outils de simulation, explique John Cleworth. Nous essayons de dédramatiser la décision en les accompagnant. » Des recommandations sont ensuite faites. Parfois, le véhicule électrique peut être moins cher que d'autres solutions.

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© Alphabet
Laurent Petit, Alphabet « Les entreprises doivent aussi se posFer la question des infrastructures de chargement. »

Le Kangoo 100 % électrique a connu un très bon démarrage. « Nous avons amélioré l'autonomie qui atteint 300 km avec une charge, ce qui permet par exemple d'aller sur plusieurs sites, indique John Cleworth. Son prix d'achat est plus élevé mais l'entreprise peut prétendre à différentes aides. » L'État peut attribuer un bonus écologique allant jusqu'à 7 000 € et, le cas échéant, la prime à la conversion d'un montant compris entre 3 000 et 9 000 € (en échange de la mise au rebut d'un véhicule essence d'avant 2006 ou d'un diesel d'avant 2011). Il est parfois possible de cumuler avec des aides régionales attribuées par les grandes métropoles comme le Grand Paris par exemple (prime supplémentaire de 6 000 € maximum), notamment dans les 11 zones à faibles émissions. « Si l'investissement peut néanmoins rester élevé pour les PME, il est important de préciser que les loyers peuvent être intéressants en termes d'exploitation », ajoute-t-il. Renault a choisi de simplifier son offre : la location du véhicule inclut la batterie. Précurseur dans le domaine, le constructeur enregistre une demande importante pour une solution intégrée. Avec ses filiales Mobilize Power Solutons et Mobilize Financial Services, il propose de multiples services, notamment la pose et le financement des bornes de rechargement, une carte pour recharger sur des bornes publiques ou privées (comme celles du réseau Ionity).

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© Joandel Services
Intervenant en ZFE, Joandel Service dispose de 8 véhicules électriques.

La flotte automobile constitue le deuxième poste de charges après les salaires.

La question des infrastructures

Alphabet aide ses clients à comprendre le cadre réglementaire et son environnement. « Le choix des véhicules électriques s’explique notamment par la prise de conscience de la Société. Tout le monde va dans ce sens mais le changement a toujours un coût. Dans les zones à faibles émissions situées le plus souvent près des grandes métropoles, il faudra aussi se mettre en conformité, précise Laurent Petit. Les entreprises auront le choix entre un véhicule utilitaire essence ou un électrique. Elles doivent alors se poser la question des infrastructures de recharge à leur disposition, éventuellement vérifier si elles ont la possibilité de se recharger chez leurs clients, etc. » Au niveau des bornes de charge électriques, d’importants efforts sont actuellement entrepris. Mais les pouvoirs publics ont encore à faire en matière d'infrastructures de rechargement.

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© Joandel Service
Benoit Joandel, Joandel Service « Pendant un mois, nous avons essayé le vélo cargo électrique pour les déplacements urbains. »

Le coût d’exploitation d’un véhicule électrique est moindre mais l’investissement de départ est plus élevé malgré les subventions. L’électrification du parc doit s’étaler sur la durée. « Il faut aussi accompagner les collaborateurs et faire évoluer les mentalités de l’ensemble des salariés, ajoute Laurent Petit. Au sein des entreprises, tout le monde doit se réunir autour de la table pour conduire le changement. » De nombreux arguments peuvent être mis en avant : baisses des dépenses opérationnelles, fiabilité des véhicules, outil de motivation… « Dans le jeu de la concurrence, les entreprises peuvent se différencier en valorisant leur engagement RSE, estime Laurent Petit. Il est facile de mesurer les résultats sur la réduction de l’impact environnemental. »

« Depuis deux ans que j'ai repris l'entreprise, j'ai porté mon choix sur les véhicules électriques », explique Fabrice Jamard, dirigeant de Glassy Glass Propreté Multiservices (160 salariés, 4,8 M€ de chiffre d'affaires) en Vendée. L'entreprise compte une vingtaine de véhicules (Kangoo, Partner, Master, Trafic) pour l’encadrement, dont les chefs d'équipe, mais aussi pour les polyvalents et certains agents. Le chef d'entreprise a choisi de faire appel au leasing (location longue durée sur 48 mois) pour financer ce renouvellement de parc à 100 % diesel. « Depuis un an, nous avons une 208 électrique et nous attendons depuis quelques mois un Partner électrique également. D’autres seront achetés prochainement mais il faut que l'offre se développe, souligne Fabrice Jamard. C'est une véritable démarche volontariste car nous devons faire avancer les choses pour être moins polluant. Il faut anticiper les réglementations à venir, la hausse des prix des carburants voire la pénurie. Je circule moi-même avec un véhicule hybride rechargeable. » Il vise à terme un parc totalement alternatif mais attendra que les infrastructures soient suffisamment développées car pour l'instant, dans la zone des Sables-d'Olonne, le rechargement reste encore un problème. Deux bornes ont été installées à l'entreprise (de marque Wallbox) où les véhicules sont rechargés pendant que les salariés ne travaillent pas. « Je n'exclus pas aussi, pourquoi pas d'ici deux à trois ans, d'investir dans le véhicule à hydrogène », ajoute Fabrice Jamard.

Il existe des zones pour lesquelles l’électrification n’a pas de sens.

Une transformation progressive

« Nous travaillons essentiellement dans une ZFE. Nous ne pouvons donc plus circuler avec des véhicules en dessous de Crit’air 2 », explique Benoît Joandel, dirigeant de deux entreprises de propreté installées à Lyon et Chambéry, qui compte une soixantaine de véhicules. Elles disposent de huit véhicules électriques, de deux fonctionnant au GNV et d’un essence doté d’un réservoir éthanol. « Pour les véhicules au GNV, il faut savoir que le prix du gaz a été multiplié par trois », précise Benoît Joandel.

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Le choix de l'intelligence

« Depuis l’annonce de la mise en place de la ZFE du Grand Lyon, nous transformons progressivement notre parc mais nous sommes un peu perdus, reconnaît Benoît Joandel. Nous essayons le GNV, l’E85 et l’électrique. Notre expérimentation de l’énergie électrique donne de bons résultats pour des usages quotidiens. Les recharges restent compliquées car nos agents interviennent beaucoup dans des copropriétés et habitent eux-mêmes en immeubles. Il n’existe pas toujours de bornes publiques et parfois, elles peuvent être occupées ou en panne car certaines sont issues des anciennes stations BlueLY. » Les agents laissent donc les véhicules au sein de l’entreprise, qui a dû se doter d’une installation triphasée et d’un abonnement spécifique. Elle dispose de deux bornes de rechargement rapide, et neuf prises renforcées. Ses salariés travaillent de 6h à 13h, ce qui laisse suffisamment de temps pour la recharge. « Il faut compter 16 centimes d’euro du kWh. L’abonnement fait partie des coûts cachés », ajoute Benoît Joandel. Et c’est sans parler du montant de l’investissement. Sur les huit véhicules électriques (13 % du parc), trois ont été achetés et cinq sont en LOA. Pour un Partner électrique par exemple, le prix est de 26 000 €, duquel on déduit 5 000 € de bonus gouvernemental et 5 000 € de subvention accordée par la Métropole de Lyon. « Le coût reste important, estime le dirigeant. Les chefs d’équipe et agents de maîtrise conserveront des véhicules essence car ils couvrent de plus grandes distances. » De plus, le chef d'entreprise estime que l’offre électrique (hybride rechargeable ou 100 % électrique) n’est pas suffisante, notamment pour les petits véhicules utilitaires en dessous du Partner, type Zorrino. Du côté des salariés, le changement a été bien vécu : les collaborateurs aiment conduire des voitures électriques.

Des solutions de mobilité alternative

Joandel Services ne valorise pas spécialement ses efforts auprès de ses clients mais elle a un retour très positif en termes d’image. Au sein de la Commission RSE du Spenra, des informations sur les aides ont été diffusées auprès des adhérents et des travaux ont été menés sur le plan de mobilité. En plus de la question du renouvellement du parc, le plan de déplacement de l'entreprise ne doit pas être négligé, ainsi que les possibles solutions alternatives. « Adapter la mobilité aux réglementations, comme la loi Climat Résilience et la loi LOM, ne passe pas seulement par les voitures », affirme Laurent Petit.

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© Glassy Glass
Fabrice Jamard, Glassy Glass « C'est par conviction que mon choix se porte sur les véhciules électriques. »

« Pendant un mois, nous avons essayé le vélo cargo électrique pour les déplacements urbains dans certains arrondissements de Lyon, complète Benoît Joandel. Cela s’est bien passé mais il existe quelques difficultés comme le fait de ne pas pouvoir stationner sur les trottoirs… Le salarié était super content mais il faut que le quartier soit adapté. Et cela peut attirer de nouveaux profils dans notre secteur. » Il existe des aides à hauteur de 60 % pour financer l’achat de ce type de solutions alternatives.

Pour circuler dans les Sables-d'Olonne, Glassy Glass a investi dans quatre triporteurs électriques pour les saisonniers, qui n'ont pas toujours le permis et pour faciliter aussi le stationnement. « Les jeunes, qui sont très sensibles au développement durable sont très contents et en redemandent, souligne Fabrice Jamard. Deux sont utilisés tout au long de l'année pour les zones urbaines. » L'entreprise a pu bénéficier d'aides de l'Ademe.

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Glassy Glass a investi dans quatre triporteurs électriques pour les saisonniers.

 

L'hydrogène, une piste intéressante

Véritable alternative, l’hydrogène est une solution étudiée : la technologie de la pile à combustible est au point mais il reste à développer les infrastructures pour les stations de charge. « C’est plus délicat, souligne Laurent Petit (Alphabet). Mais de nombreux constructeurs croient en cette solution. Ils se posent maintenant la question de la production d’hydrogène vert. »

Au travers de la joint-venture Hyvia, Renault travaille sur la solution hydrogène, plutôt sur des véhicules fourgons de 12 m3 de type Master. Ses solutions de piles à combustible à l’hydrogène vert offrent une mobilité décarbonée aux entreprises. Les véhicules utilitaires H2-Tech bénéficient d'une recharge facile et rapide (5 minutes) et ont jusqu’à 400 km d’autonomie.

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