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Développer les travaux exceptionnels peut permettre aux entreprises de propreté de tirer vers le haut l'ensemble de leur activité. Certains acteurs l'ont compris en dédiant une organisation spécifique et une approche commerciale adaptée et en favorisant les compétences techniques par la formation des salariés.

Si la plupart des entreprises de propreté proposent des travaux exceptionnels (TE), c’est pour répondre à une demande ponctuelle de leurs clients. D’autres ont néanmoins opté pour une stratégie proactive pour faire de cette activité un réel savoir-faire.

Chez Eden Nettoyage (600 salariés, 7,50 M€ de chiffre d’affaires), la direction a choisi de redynamiser les travaux exceptionnels en 2012, en parallèle de son activité traditionnelle et de la vitrerie. Deux responsables TE se partagent le territoire géographique pour développer cette activité (Sens, Auxerre, Lyon, Dijon et Besançon). « Dès le début, nous avons souhaité nous démarquer par la qualité, la réactivité et l’adaptabilité, explique Mickaël Laguet, responsable des travaux exceptionnels chez Eden (Dijon). Il faut savoir adapter les moyens humains et techniques à la prestation. »

Eden propose un large panel de prestations : déneigement, évacuation d’encombrants, nettoyage d’appartements « poubelles », remise en état (grandes surfaces, spas, parkings), remise en état après sinistres, traitement de sols spécifiques (métallisation, cristallisation), balayage, shampoing-moquette, lessivage murs et plafonds. De nombreux matériels sont nécessaires (location de camions nacelles, véhicules haute pression, autolaveuses, monobrosses). « Dans certains cas, nous mettons en contact notre client avec un partenaire, comme pour le ponçage et la vitrification de parquets », indique le responsable. L’entreprise compte une dizaine de personnes à temps plein sur ce créneau.

 

Un potentiel important

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Mickaël Laguet devise, met en place le chantier, organise et planifie. Il développe l’activité chez les clients existants et assure aussi la prospection commerciale. Un assistant administratif a été embauché pour l’aider. De plus, les inspecteurs intervenant dans la propreté présentent les prestations de TE. « Il arrive également que nous proposions un contrat d'entretien à nos clients après avoir effectué une remise en état », indique Mickaël Laguet. Une partie de la clientèle est uniquement sur les TE, comme pour le démantèlement d’usines.

« Les demandes de travaux exceptionnels ont pris de l’ampleur, affirme Mohamed Bouterfass, responsable des TE au sein de La Rationnelle, dont le siège est installé à Croissy dans les Yvelines. Nous avons donc fait le choix stratégique de dédier des équipes à ce pôle. » Le groupe, qui intervient en Ile-de-France, propose des prestations de remise en état, traitement spécifique des sols (décapage, métallisation), nettoyage de moquettes, de logements, de parkings, débarras des encombrants, nettoyage après sinistres. Il compte 15 équipes de 2, pilotées par Mohamed Bouterfass. « Dans la plupart des cas, ce sont les clients de l’activité récurrente d’entretien des locaux qui nous sollicitent pour ce type de prestations complémentaires, en particulier les bailleurs sociaux et les copropriétés (les bureaux dans une moindre mesure), explique Lauren Moireau, responsable administrative de La Rationnelle. Parfois, les TE sont prévus au contrat. »

 

Une belle vitrine

« Avec les travaux exceptionnels, nous tirons ainsi vers le haut l’activité globale d’Eden, estime Mickaël Laguet. En deux ans, nous avons multiplié par 4 le nombre de devis réalisés. » L’entreprise ambitionne de conquérir de nouveaux clients en se faisant voir et connaître. Elle pourrait atteindre un effectif de 20 à 30 agents. Mais elle veut maîtriser son développement pour maintenir le niveau de qualité reconnu à ce jour par ses clients. « Il existe un réel potentiel mais cela ne s’improvise pas. Il faut connaître précisément le degré d’exigences des clients. Je les interroge pour rédiger un cahier des charges vraiment adapté, poursuit Mickaël Laguet. Les travaux exceptionnels donnent une image encore plus professionnelle à nos métiers. C’est la vitrine de notre société. »

Cejip Entretien (250 salariés, 3,50 M€ de chiffre d’affaires en 2019), filiale du groupe Cejip, ambitionne aussi de faire monter en puissance les travaux exceptionnels (vitrerie, shampoing moquette, nettoyage mécanisé), qui pèsent aujourd’hui entre 5 et 10 % de son chiffre d’affaires. « Nous aimerions les développer davantage mais nous nous heurtons à une concurrence importante sur ce créneau, en particulier des petites entreprises qui ont des coûts moindres, notamment les autoentrepreneurs. Et ce même si ces opérations demandent une certaine technicité », explique Emmanuel Jung, le gérant de la société basée à Aubagne (Bouches-du-Rhône). Celle-ci emploie plusieurs équipes de salariés polyvalents. « Ils assurent les missions TE prévues dans les contrats et répondent aux demandes ponctuelles de nos clients mais aussi à celles émanant de notre site web, indique Emmanuel Jung. Ces derniers temps, nous avons eu beaucoup de sollicitations en raison des inondations dues aux intempéries. »

 

Synergies à développer

Pour booster les TE, les équipes commerciales de La Rationnelle proposent l’ensemble de l’offre et mettent en avant ces prestations. « Nous souhaitons développer encore davantage les travaux exceptionnels, notamment en recrutant des forces commerciales supplémentaires », ajoute Lauren Moireau. Il existe des synergies entre les deux pôles d’activité, comme elle l’explique : « Il arrive qu’un nouveau client sur la partie TE, satisfait une fois l’opération achevée, s’intéresse à notre entreprise et nous sollicite pour le contrat d’entretien. »

D'une manière générale, les professionnels s'accordent à dire que les marges sont un peu plus confortables que pour l’entretien courant des bâtiments.

Cejip Entretien souhaite travailler davantage sur la prospection commerciale, en proposant les prestations de TE dans son offre globale de services. « Dès que nous avons un nouveau client sur l’activité d’entretien des locaux, nous communiquons sur les travaux exceptionnels », ajoute le dirigeant. Certains clients des TE, notamment dans le BTP, peuvent ensuite faire appel à l’entreprise pour le nettoyage courant. « C’est l’ensemble de l’entreprise qui en bénéficie », souligne Emmanuel Jung.

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Formations techniques indispensables

« En trois ans, nous avons doublé les effectifs pour les travaux exceptionnels, qui nécessitent des agents polyvalents, motivés et soucieux du travail bien fait, affirme Mickaël Laguet. La formation des collaborateurs est indispensable. Nous passons notamment par l’Inhni pour les CQP chef d’équipe vitrerie et agent de rénovation et par l’Apave pour les différentes habilitations techniques (électrique, Caces…). » Mickaël Laguet pilote les agents polyvalents, ainsi que les laveurs de vitres. Pour le recrutement, il sélectionne des jeunes venant souvent d’horizons divers. « La diversité des chantiers, l’ambiance dans l’entreprise, le temps plein et la rémunération rendent ce métier attractif, estime le responsable. Le recrutement reste néanmoins compliqué car il arrive, par exemple, de devoir travailler la nuit ou le week-end. » Il arrive aussi de proposer aux collaborateurs intervenant dans l’entretien courant de passer aux travaux exceptionnels. Pour gérer certaines opérations importantes, Eden fait appel à un vivier d’agents de service capables de venir en renfort.

Côté recrutement, La Rationnelle s’appuie particulièrement sur la promotion interne. « Des agents de service qui souhaitent monter en grade sont formés pour intégrer les équipes de polyvalents, explique Mohamed Bouterfass. Au démarrage, le nouvel arrivant est systématiquement associé à un collaborateur expérimenté en binôme. C’est un métier plus valorisant et plus attractif. Les agents qualifiés bénéficient d’une rémunération plus élevée et travaillent à temps plein. »

« Le recrutement n’est pas si compliqué car le métier est plus attrayant que celui d’agent de service, observe Emmanuel Jung. Certains de nos agents nous demandent à intégrer l’équipe de polyvalents, qui travaillent en général de 7h à 14h. » En cas de besoin de renfort, Cejip Entretien fait appel à un vivier d’agents déjà formés à l’utilisation des machines et au lavage de vitres. « Sur ce créneau, il faut être capable de réagir rapidement », précise-t-il.

 

Faire des TE une spécialité

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En Île-de-France, une entreprise de propreté va encore plus loin dans sa stratégie de développement. En parallèle de l’activité classique (bureaux, théâtres, parties communes d’immeubles), Netindus (450 salariés, 11 M€ de chiffre d’affaires) a mis en place un département dédié aux prestations réalisées dans le secteur du bâtiment, qui représente aujourd’hui 40 % de son activité. Depuis plus de vingt ans, Elle travaille pour les principaux groupes du secteur (Eiffage, Bouygues, Vinci…). « Ils nous demandent une expertise pour forfaitiser et chiffrer les opérations de nettoyage, selon la surface, les types de revêtements et de vitrerie. Plusieurs passages sont nécessaires », explique Jean-Pierre Duquesne, président de Netindus. Il existe jusqu’à trois phases : le nettoyage en dégrossi, le nettoyage avant les opérations préalables de levée de réserves (OPR), le nettoyage avant livraison. Il s’agit de prestations comme le balayage, la collecte des déchets, le shampoing-moquette, la vitrerie, la remise en état de sols…

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« Le plus difficile consiste à gérer les pics et les creux de cette activité. La multiplicité des chantiers me permet de lisser l’activité selon les différentes phases, souligne Jean-Pierre Duquesne. Les opérations se déroulent sur plusieurs mois. La période précédant la livraison génère beaucoup de pression pour tous les intervenants, y compris l’entreprise de propreté. Un rétroplanning est indispensable. » Si les fins de chantier sont mal anticipées, il est courant que les équipes doivent travailler quelques nuits et les week-ends. Deux cents salariés interviennent en permanence sur une cinquantaine de chantiers. Deux collaboratrices gèrent leur planning et peuvent contacter un vivier de personnes en cas de besoin. « Nous ne pouvons pas faire appel à l’intérim, trop cher, ni à la sous-traitance qui reste insatisfaisante, explique le dirigeant. Il existe une obligation de formation et des contrôles en interne. »

Les salariés du département bâtiment ne sont pas les mêmes que pour le nettoyage traditionnel. Chaque département a son propre responsable d’exploitation dédié. « Ce n’est pas la même approche, poursuit Jean-Pierre Duquesne. Côté bâtiment, les horaires de travail vont de 8h à 16h environ donc nous avons une majorité de temps plein. Ces activités ne s’improvisent pas : il faut développer un véritable savoir-faire. C’est un secteur très exigeant. Quand les opérations sont bien chiffrées, les marges peuvent être très correctes. À l’inverse, il est possible de perdre de l’argent sur certains chantiers. »

« Après avoir réalisé le nettoyage de fin de chantier, il arrive que nous puissions décrocher le contrat pour l’entretien du bâtiment en exploitation », ajoute Jean-Pierre Duquesne.