Répondre aux obligations réglementaires, devenir un acteur responsable ou encore se différencier sont autant de motivations pour les entreprises de propreté qui s'engagent dans une démarche de décarbonation. Sont concernés au premier chef les transports et les achats responsables, avec le choix des produits et des matériels, sans oublier la façon de travailler chez les clients en réduisant ses consommations d'eau et de chimie notamment.

« Pourquoi et comment décarboner les prestations de propreté ? » C’est à cette question qu’ont tenté de répondre les invités de l’émission organisée par Services le 23 juin dernier. Au cœur des débats : déplacements, gestion du parc de véhicules, achats responsables… Quatre intervenants étaient présents pour échanger sur ces différentes thématiques : Sarah Hra, directrice innovation, digital et excellence opérationnelle au sein d’Elior Services, Florence Marion, consultante RSE auprès de l'entreprise francilienne Saturne Services, Claire Normand, chef de produits sols et surfaces chez Werner & Mertz Professional, et Momar Mbaye, président de Progiclean (édité par le groupe Senef).

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© Saturne Services
Florence Marion, Saturne Services

Politique RSE et bilan carbone

« Chez Saturne Services, nous devons d'abord réaliser le bilan carbone qui consiste à mesurer les flux, indique Florence Marion. Pour être innovants, nous avons décidé de calculer notre impact avant que l'obligation ne nous concerne. » L'entreprise est accompagnée par l'Ademe et la BPI dans le cadre de dispositif d'aides à la transition écologique qui proposent des interventions d'experts (Ecodev). « Le plus difficile est de passer au Scop 3 et d'identifier les émissions indirectes notamment liées aux achats, puis de mesurer les déplacements des salariés », ajoute Florence Marion.

Elior Services réalise son bilan carbone depuis deux ans. « C'est un enjeu majeur pour nous et une partie de nos équipes sont formées à la méthode ABC Carbone », ajoute Sarah Hra. Les effets bénéfiques attendus sont au niveau RH (fidélisation des collaborateurs et attractivité des jeunes talents) et d'ordre économique (maîtrise des coûts). « L'inflation joue de manière globale sur notre démarche de maîtrise des coûts », souligne Sarah Hra. Elior Services a une démarche proactive avec une partie R&D très importante, en proposant des solutions sans chimie. L'entreprise a fait concevoir un nouveau chariot composé de 70 % de plastique recyclé et utilisant des méthodes plus respectueuses de l'environnement. Elle s'appuie sur une charte des achats responsables (exemple des aspirateurs de classe A).

Pour Saturne Services, les motivations sont multiples : devenir une entreprise responsable, bâtir une démarche environnementale, anticiper les obligations réglementaires. « Nos collaborateurs sont fiers de pouvoir participer eux-mêmes au quotidien à la préservation de la planète », ajoute Florence Marion. L'entreprise propose notamment des solutions comme les centrales de dilution (produits concentrés, réduction stockage et transport). « Les clients veulent pouvoir intégrer nos données d'achats dans leur bilan carbone, ajoute Florence Marion. Notre démarche nous permet aussi de nous différencier. »

Optimiser les déplacements

Les déplacements sont le premier levier pour décarboner. Les transports représentent 30 % des émissions de GES en France. « 60 % de nos émissions sont générées par les trajets de nos collaborateurs vers leur(s) lieu (x) de travail », signale Sarah Hra. Elior Services est en train de renouveler son parc automobile (hybride, électrique et bioéthanol). Trois véhicules sur quatre émettront moins de 60 grammes équivalents CO2 par kilomètre parcouru. Sur le terrain, cette politique s'accompagne de l'installation de bornes électriques dans ses agences et sur les sites clients.

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© Elior Services
Sarah Hra, Elior Services

« Pour réduire les kilomètres parcourus, nous travaillons surtout sur l'optimisation de nos plannings et pour rationaliser les déplacements, souligne Sarah Hra. Nous avons choisi de travailler sur des logiques de bassins d'emplois pour s'affranchir des limites managériales et faire en sorte que nos équipes aient le moins de kilomètres à parcourir. » De son côté, Saturne Services s'appuie sur le parcours Mobilité durable proposé par le Fare Propreté (lire aussi l'encadré), qui propose une méthodologie et des outils.

S'appuyer sur les outils digitaux

Les outils digitaux peuvent aider les entreprises de propreté à mesurer et réduire les émissions de carbone, comme l'explique Momar Mbaye : « Pour parvenir à décarboner les prestations de propreté, il faut se doter d'un outil digital. Récupérer et optimiser les données est la première étape. L'outil de planification permet ensuite de sectoriser les clients pour savoir de manière automatique quels collaborateurs peuvent intervenir sur un site. Nous avons récemment intégré Google map dans notre solution ERP dédiée à la propreté. Pour les équipes organisées en tournées, il sera facile d'optimiser leurs trajets. » Une cartographie des déplacements (avec les kilomètres parcourus mais aussi les temps de trajet) sera réalisable. La géolocalisation permet de voir sur un mois ou un an les journées pendant lesquelles les agents font beaucoup de kilomètres et de réorganiser ces journées en question.

Progiclean a également travaillé sur les achats pour connaître l'affectation de matériels, de consommables et de produits pour chaque site. Il est ainsi possible de créer des commandes récurrentes fixes. « Nous sommes en train de réfléchir pour intégrer les fournisseurs à notre outil pour pouvoir détecter et alerter par exemple sur une mauvaise utilisation des produits, en fonction de la fréquence des commandes », signale Momar Mbaye. Le suivi du plan d'entretien des matériels est également disponible, notamment pour prendre la décision de faire réparer un appareil ou de le changer. À titre d'exemple, Elior Services utilise les outils numériques pour rendre obligatoire, dans son processus d'achat de nouveaux matériels, le passage par la bourse d'échange de matériels.

Favoriser les achats responsables

Les achats responsables font aussi partie des leviers pour réduire les émissions de CO2 : les achats représentent cinq à dix pourcents de l'impact carbone dans le secteur. Chez Elior Services, les produits et les consommables représentent moins de 5 % des émissions de GES. L'entreprise a déjà mené plusieurs actions notamment au niveau logistique en optimisant le dernier kilomètre et en massifiant les points de livraison. « Nous avons travaillé sur des procédés pour réduire la consommation d'eau et de chimie. La mise en place depuis de longues années de la préimprégnation a divisé par 5 les consommations, complète Sarah Hra. Nous continuons à rechercher des innovations dans ce domaine, par exemple avec les solutions à base d'eau ozonée. »

La démarche de décarbonation fait partie de la politique RSE des grandes entreprises.

La politique Saturne Services se base sur la stratégie des 3 R : réduire, recycler et réutiliser. « Nous travaillons surtout sur la réduction des consommations avec l'investissement dans des appareils haute performance énergétique et le recours aux produits concentrés par exemple. Nous utilisons la méthode sans chimie quand c'est possible », affirme Florence Marion. Pour les consommables, l'entreprise francilienne a recours à des matériaux à base de matières recyclées et recyclables. Pour le choix des fournisseurs, le made in France voire le local sont privilégiés.

Impact environnemental des produits

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© WM Professional
Claire Normand, Werner et Mertz

L'écoconception des produits contribue également à la décarbonation des activités. Depuis plus de trente ans, Werner & Mertz s'y est engagée. « Cette démarche fait partie de notre ADN, indique Claire Normand. La gamme écolabellisée Green Care a été une première étape. Puis, nous avons voulu aller plus loin avec le label Cradle to Cradle. Le principe de l'économie circulaire nous a permis d'étudier de façon plus approfondie nos produits au niveau de la formule et de l'emballage. » Le fabricant allemand utilise des produits biosourcés intégrant des déchets alimentaires (exemple : huile d'olive de septième pression). Son objectif est de tendre vers 100 % des matières premières provenant de l'agriculture européenne. Côté emballages, Werner & Mertz étudie tous les aspects : le plastique, les encres, les colles… Ses flacons sont fabriqués à partir de 100 % de plastique recyclé issu des poubelles jaunes. Depuis plus de vingt ans, l'entreprise a aussi choisi d'intégrer son fabricant de plastiques au sein de son site de production.

« Nous avons également créé le calculateur de performance qui calcule les économies réalisées avec l'utilisation de nos produits écoconçus, au niveau de la consommation de pétrole et de plastique et les émissions de CO2 » précise Claire Normand.

Réduction des consommations sur site

Chez les clients, les entreprises de propreté travaillent sur la diminution des consommations d'eau, d'énergie, de produits chimiques et d'emballages. « Nous agissons de plusieurs manières, sur les procédés et les produits choisis, sur les équipements avec par exemple des autolaveuses économes, sur la formation et la sensibilisation de nos collaborateurs et sur la mesure de l'impact, souligne Sarah Hra. La digitalisation a là aussi son rôle à jouer notamment pour communiquer les données mesurées et pouvoir chercher ainsi, collectivement, à les améliorer. »

En matière de chimie, l'usage raisonné se généralise, notamment avec la préimprégnation. Werner & Mertz propose des centrales de dilution pour les gros sites - pouvant fonctionner avec des poches de 2 litres permettant de réduire de 80 % les déchets plastiques - et un dispositif de dilution nomade pour les plus petits. « Quick & Easy est une centrale de dilution autonome composée d'un produit concentré dans un flacon scellé en plastique recyclé et d'un flacon à remplir d'eau. Une cartouche de 325 ml représente 5 pulvérisateurs prêts à l'emploi, indique Claire Normand. La dilution se fait directement dans la tête de pulvérisation. Pour le prêt à l'emploi, il est aussi possible de réutiliser un pulvérisateur. »

« L'enjeu le plus fort reste la conduite du changement avec la formation des collaborateurs à l'ouverture de chaque chantier mais aussi en piqûre de rappel », ajoute Florence Marion. Les métiers des équipes changent avec une mise en place accélérée d'outils digitaux. « Pour accompagner l'agent de propreté, nous avons notamment intégré une plateforme d'e-learning dans la solution mobile », note Momar Mbaye.

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© Senef
Momar Mbaye, Progiclean

Vers de nouvelles solutions

« Concernant les déchets, il reste une marge importante de progrès. Dans un tiers des cas, si le tri est réalisé dans les bureaux, la collecte en aval n'est pas prévue », regrette Florence Marion. Saturne Services propose une offre d'accompagnement pour la mise en place du tri sélectif avec un guide de sensibilisation et l'identification des points de collecte via la signalétique. L'entreprise travaille avec des partenaires de l'économie solidaire. Pour aller plus loin, Elior Services entend proposer des offres de plus en plus intégrées pour la gestion des déchets, de la réduction des déchets des clients en passant par le tri, la valorisation et la mesure.

« Notre manière de travailler va évoluer, complète Sarah Hra. La pandémie a permis de rendre plus visibles nos salariés. Avec nos clients, il est nécessaire de développer le travail en continu et/ou en journée pour faciliter l'accès aux transports en commun pour nos salariés. Et il sera ainsi possible de faire davantage de pédagogie auprès des utilisateurs des locaux. »

Pour Momar Mbaye, cette organisation va permettre de beaucoup mieux gérer les plannings, d'optimiser les déplacements et de réduire les émissions de GES. « Il est primordial de travailler tous ensemble, prestataire, fournisseur et client », ajoute-t-il. Sarah Hra considère que la coconstruction avec toutes les parties prenantes est nécessaire pour observer l'impact global. « Nous devons être force de proposition et élargir nos horizons, signale-t-elle. Nous pouvons accompagner nos clients en imaginant des solutions de covoiturage - qui peut réduire de 35 à 55 % les émissions de GES - ou en les aidant dans la mise en place du télétravail et du flex office. »

Réduire les émissions de GES en facilitant la mobilité

Les déplacements professionnels et pendulaires (domicile/site d’intervention) représentent près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre identifiées dans les bilans carbone des entreprises de propreté : c’est le premier poste d’émission du secteur. Le Fare Propreté propose une offre d’accompagnement pour réduire, faciliter et optimiser les déplacements.

Cette offre permet de mettre en place une nouvelle politique de mobilité en proposant des ressources à chaque étape de la réflexion : faire le diagnostic de sa mobilité, réduire ses déplacements, identifier les alternatives possibles à la voiture, optimiser l’usage de la voiture individuelle lorsqu’elle reste la seule solution possible et enfin déployer son projet auprès de tous les acteurs concernés.

Les ressources se déclinent en un espace sur le portail du Monde de la Propreté où sont publiées des fiches pratiques pour mettre en œuvre la mobilité, des vidéos pour sensibiliser les collaborateurs et une calculette carbone pour mesurer les émissions liées aux déplacements sur les sites. Une formation dédiée au référent Mobilité pour concevoir et mettre en œuvre le projet mobilité de l'entreprise est aussi proposée. Elle est composée de modules de 3 heures en distanciel qui peuvent être suivis soit à la carte, soit dans le cadre d’un parcours complet dans lequel le participant bénéficie également de points individuels en visioconférence avec un consultant spécialisé pour construire et déployer son projet de mobilité.

Contact : Délégué(e) régional(e) du Fare Propreté / rse@monde-proprete.com

Replay disponible sur la chaîne Youtube de Services Magazine Ici 

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