Pour les entreprises de propreté, la restauration collective est un secteur peu porteur puisqu'il internalise souvent l'entretien de ses locaux. Mais un changement s'amorce pour ces acteurs qui font face à un marché secoué par la crise sanitaire et une fréquentation en tendance baissière depuis une petite décennie. En faisant évoluer leur modèle, ils auront à se recentrer sur leur cœur de métier et externaliser davantage.

Dans le secteur de la restauration collective, l'externalisation des prestations de propreté n'est pas la règle. Les entreprises préfèrent souvent maîtriser l'hygiène - véritable enjeu de sécurité sanitaire - dans leurs établissements. Quand elles sous-traitent, c'est en général pour l'entretien des salles de restaurant ou bien pour des prestations techniques.

Rhoni Group (450 salariés, 7 M€ de chiffre d'affaires), située en Rhône-Alpes, réalise 5 à 6 % de son chiffre d'affaires avec la restauration collective. « Nos clients sont des restaurants interentreprises, des centres d'hébergement, des collectivités et des écoles », explique Philippe Galera, PDG. L'entreprise a aussi d’importants clients tertiaires qui lui ont confié leur siège social dans lequel se trouve un espace de restauration. Dans le public, ce sont des fonctionnaires polyvalents qui assurent souvent la propreté, tandis que le privé externalise plus. « Il existe aussi une organisation hybride où nos agents travaillent avec les équipes de la société de restauration collective. C'est très rare que nous intervenions en cuisines », souligne Philippe Galera. Rhonis effectue plusieurs types de prestations : entretien courant, nettoyage des espaces vitrés et des terrasses, dégraissage des hottes, remise en état.

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« Nous accompagnons certains donneurs d'ordres de la restauration collective, explique Jean-Claude Delahaye, gérant de Clair & Net Conseils, éditeur de logiciels spécialisés dans la propreté. Nos outils leur permettent de mieux s'organiser pour le suivi des normes d'hygiène des locaux et la mise en place du système qualité. » Dans ce domaine, les normes HACCP sont en vigueur dans les cuisines. Ce sont souvent les fournisseurs de produits qui créent les protocoles pour les clients. Clair & Net audite leur organisation et préconise une méthode sans diriger le choix des produits. « Nous intervenons aussi auprès des établissements hospitaliers pour l'hygiène et la distribution des repas », ajoute Jean-Claude Delahaye. Il est fréquent que les entreprises de restauration collective prennent en charge elles-mêmes le nettoyage pour mieux maîtriser l'hygiène et parfois en raison d'une mauvaise expérience avec un prestataire.

40% C'est la chute  du chiffre d'afaire de la restauration concédée en mai 2020 par rapport à janvier ( source  : Inssee Première  n° 1840).

Jamais dans les cuisines

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Awen Propreté
Bruno Troadec,

Awen Propreté travaille pour le compte d'Arpège qui lui a confié l'entretien des salles de restaurant et des cafétérias (environ 1 500 m²) dans un immeuble de bureaux d'Issy-les-Moulineaux. « Nous prenons en charge la propreté des sols avec une autolaveuse, ainsi que le mobilier. Deux salariés interviennent du lundi au vendredi, indique Bruno Troadec, gérant de l'entreprise francilienne. Les cuisines sont nettoyées par leurs équipes selon les normes HACCP. Le restaurateur rationalise ainsi ses coûts et responsabilise ses propres collaborateurs. » Les salles sont nettoyées tous les soirs et une repasse est réalisée en début d'après-midi. « Ce sont des espaces haut de gamme qui sont ouverts en continu pour proposer des collations ou pour organiser des réunions en mode de projet, de manière plus conviviale autour d'un café », explique Bruno Troadec.

Awen Propreté prend aussi en charge la désinsectisation à l'aide d'un partenaire. La qualité des prestations est importante pour ce contrat de 36 mois. « Nous aimerions pouvoir prendre en charge la partie cuisines mais ce n'est pas dans la stratégie des entreprises de restauration collective qui préfèrent la nettoyer eux-mêmes », ajoute Bruno Troadec.

La société francilienne AGN (300 salariés, 6 M€ de chiffre d'affaires) intervient en restauration collective, notamment auprès du groupe Serenest, d'Elior ou encore Arpège, une filiale du groupe Elior. Ce domaine génère 450 000 € dont 60 % pour la restauration d’entreprise, 30 % pour la partie scolaire et collectivités, 10 % dans la santé et le médico-social. AGN prend notamment en charge le nettoyage d’un restaurant de 1 000 m², une prestation de trois ou quatre heures pour entretenir les sols, les tables, les zones de distribution et les fontaines à eau, et remettre en place les chaises. « Nous n’intervenons jamais derrière les lignes de distribution ou dans les cuisines », souligne Pierrick Langevin, directeur commercial d’AGN.

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Awen Propreté
Deux salariés d'Awen Propreté nettoient les salles de restaurant dans un immeuble de bureaux.

Conséquences de la crise sanitaire

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AGN
Pierrick Langevin,

« Avant la pandémie de Covid-19, nous réalisions la désinfection des points de contact deux fois par semaine, poursuit Pierrick Langevin. Aujourd’hui, cette opération est effectuée chaque jour. On nous demande d'utiliser des produits virucides. » Avec la fermeture des restaurants d’entreprise durant la crise sanitaire, le Covid-19 a changé la donne. Les sociétés de restauration ont été obligées de s’adapter avec la livraison de paniers repas par exemple dans les bureaux. Le développement du télétravail entraîne une baisse de la fréquentation. De nombreuses entreprises signent des accords pour 2 à 3 jours de télétravail par semaine. « Malgré la crise sanitaire, certains de nos clients comme Serenest se développent en Île-de-France, explique Pierrick Langevin. Cet acteur fait preuve d’innovation dans l’offre de restauration pour répondre aux nouvelles attentes. » Une nouvelle offre incluant de nouveaux services va émerger.

Autre conséquence : la prise de repas dans les bureaux. « Pour l’entretien des bureaux, nous avons fait évoluer le cahier des charges en augmentant la fréquence de l’aspiration des moquettes, davantage salies », précise Pierrick Langevin.

AGN a dû adapter son organisation et faire preuve de beaucoup de réactivité et de souplesse lors de la fermeture partielle ou totale des restaurants d’entreprise. « Certaines heures de nettoyage des salles de restaurant ont pu être reportées sur les bureaux, ajoute le directeur. Nous essayons aujourd’hui d'orienter notre développement vers la santé et les établissements scolaires. »

« Le redémarrage est assez laborieux, témoigne pour sa part Philippe Galera. Certains de nos clients qui ne tournent pas à plein régime font appel à nous pour des opérations en cuisines. » Rhoni Group a dû faire preuve de plus de flexibilité.

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AGN
Pour AGN, la restauration collective permet de donner des heures complémentaires en journée à ses salariés.

Un potentiel à travailler

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Rhoni Group
Philippe Galera,

« Nous ferons la différence avec la réactivité que nous pouvons apporter à ces donneurs d'ordres, poursuit le PDG. En 2022, nous continuons de travailler sur la base de nos contrats historiques, mais en 2023 la situation va changer. » Les entreprises de propreté devront s'adapter à un changement de fonctions des espaces tertiaires et à la mise en place des contrats à l'usage. Les espaces serviciels ou de détente seront imbriqués et des collations ou repas pourront y être servis. « Ces évolutions vont certainement entraîner pour les acteurs de la restauration collective un recentrage sur leur cœur de métier et peut-être une opportunité pour les entreprises de propreté. Ce secteur en pleine mutation constitue une cible clients, affirme Philippe Galera. Ce n’est pas réellement un axe stratégique de développement pour nous, d’autant que le redémarrage s'annonce au deuxième semestre. »

Pour Pierrick Langevin, il existe un potentiel d’externalisation dans la restauration d’entreprise mais beaucoup plus en restauration collective dans la santé ou les collectivités. « Ces deux segments de marché ont d’ailleurs été beaucoup moins impactés par la crise sanitaire », ajoute-t-il. Pour l'entreprise, ce n'est pas un secteur stratégique mais cela lui permet de donner des heures en journée à ses salariés pour leur apporter ainsi un complément d’heures et les fidéliser. « Pour nos agents qui interviennent de 6 h à 9 h et de 17 h à 19 h, il est ainsi possible de favoriser le travail en continu, ajoute Pierrick Langevin. En les fidélisant, nous améliorons leur bien-être au travail et par la même occasion la qualité de la prestation. »

« Ce sont des marchés importants à l'échelle nationale, poursuit Jean-Claude Delahaye. Une entreprise de propreté peut gérer cette activité si elle s'en donne les moyens. Le potentiel reste faible car les exigences en cuisine sont très importantes. » De nombreuses entreprises de propreté pénètrent le marché de la restauration collective par le biais du nettoyage des hottes de cuisine. « Certaines se sont en effet spécialisées dans cette activité et proposent ensuite d'autres prestations », témoigne Jean-Claude Delayahe.

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