
Gestion : comment utiliser les données pour piloter son activité ?
Lors de la matinée organisée par Services le 30 septembre, une seconde table ronde a tenté de répondre à la question : « Comment utiliser les données pour piloter son activité ? » L’enjeu pour les entreprises de propreté est de collecter les données les plus pertinentes pour assurer le pilotage de leur activité. Mais quelles informations recueillir ? Qu'est-ce qu'on mesure et pourquoi ? Et comment utiliser ces données dans un système d’information ? Autant de sujets qui ont alimenté les débats entre dirigeants du secteur et fournisseurs de solutions.
« La transition numérique est lancée. Aujourd'hui, toutes les entreprises en ont conscience mais le niveau de maturité varie selon la taille, affirme Julien Gutfreund, directeur d’Allo Nettoyage, PME basée dans l’Est de la France. Il faut distinguer les solutions connectées d'un côté, et les progiciels de l'autre. » De nombreuses entreprises sont dotées d'un logiciel métier ou sont à sa recherche. La mise en place d'objets connectés reste encore très marginale. Allo Nettoyage s'est équipée d'un logiciel, non sans mal « car l'offre de solutions est pléthorique. L'engagement est fort économiquement et humainement : il passe par la formation, le transfert de bases de données, le changement de la façon de gérer l'entreprise. Le choix est important et difficile à faire », ajoute le chef d'entreprise.
Où en est la digitalisation ?
De son côté, L'Oiseau Blanc, entreprise francilienne de propreté, a fait la démarche de s'équiper d'un nouvel ERP qui intègre plus facilement les différents enjeux actuels. « C'est un processus qui est long car il a fallu remettre à plat les process, explique Stéphane Martin, président. L'objectif interne était surtout de simplifier les tâches. »
Pour Momar Mbaye, président du groupe Senef, qui édite le logiciel 100 % web Progiclean, il existe une nouvelle génération d'entreprises de propreté qui cherchent à se digitaliser de manière rapide : « Les situations sont parfois difficiles quand il arrive de minimiser le changement profond de process qu'implique la mise en place d'une solution logicielle globale, pour gérer l'activité du commercial jusqu'à la paie et la comptabilité. » La transformation nécessaire de l'entreprise constitue le premier blocage, avant même l'aspect économique.
« Nous avons deux familles d'entreprises de propreté : celles qui vont mettre en place des solutions connectées à la demande du client sans se préoccuper des bénéfices à en tirer pour elles, et celles qui vont se demander ce que ces évolutions peuvent leur apporter », estime Jean Piedanna, directeur commercial de Teleric, spécialiste de la traçabilité connectée. Au préalable, il faut estimer le retour sur investissement et étudier la possibilité de créer des business supplémentaires.
« Dans les secteurs comme l’industrie, la santé et l’agroalimentaire, il est important de prouver que les prestations sont réalisées, indique Jean Piedanna. Ils font en effet souvent l’objet d’audit. » Les enjeux sont beaucoup plus élevés que dans le tertiaire.
Répondre aux clients
Allo Nettoyage utilise une solution de géolocalisation de la flotte de véhicules pour optimiser les tournées, de consommer moins et de réduire l’impact environnemental de son activité. « De plus en plus, les clients nous demandent de justifier notre passage, explique Julien Gutfreund. Ces données peuvent aussi nous être utiles pour y répondre. » L’entreprise n’a pas encore vraiment utilisé d’objets connectés mais collecte des informations sur les paies et les plannings. Elle souhaite mettre en place une solution de contrôle qualité sur site, pour suivre en temps réel les différents chantiers. « C’est un véritable apport », ajoute Julien Gutfreund.
Pour Stéphane Martin, il s’agit notamment de travailler autour de la relation clients grâce à des données qui permettront de trouver des axes d’amélioration. « Il existe aussi des enjeux sociaux pour améliorer la sécurité des travailleurs isolés et travailler sur le rapprochement domicile-travail », affirme-t-il. La géolocalisation est aussi un outil important pour réduire l’impact environnemental. « En ce qui concerne les objets connectés, nous allons y venir mais ce n’est pas le cas pour l’instant », note Stéphane Martin. Ces technologies prendront tout leur sens chez certaines typologies de clients, notamment pour lesquels l’entreprise effectue des permanences en journée. Il est très utile de connaître l’usage d’un local pour intervenir au bon endroit, au bon moment. « Nous travaillons beaucoup avec les écoles qui ont une problématique de qualité de l’air intérieur. Nous allons proposer bientôt la mise en place de capteurs de CO2 pour les aider à prendre en charge cette question », ajoute Stéphane Martin.
Des données terrain pour mieux piloter

TELERIC
Jean Piedanna,
Il est possible de récupérer des informations terrain (grâce à des objets connectés ou un système de télépointage notamment) et de les faire remonter dans le logiciel métier. « Connaître les heures d’arrivée et de départ peut permettre de mieux gérer les temps de présence et d’aller vers la réalisation automatique de la feuille de salaire, précise Jean Piedanna. Le gain de temps du côté administratif est très important. » Le choix des données dépend beaucoup des clients et de leurs attentes, du simple pointage à la réalisation de missions bien précises. Il est fondamental que la solution reste simple d'utilisation. La traçabilité permet d'agir lorsqu'une tâche n'a pas été réalisée et de faire intervenir avant que le client ne réclame. « Nous avons de plus en plus un rôle de conseils et nous accompagnons l'entreprise de propreté dans sa démarche vis-à-vis du client », souligne Jean Piedanna.

Senef
Momar Mbaye,
« Dans certains secteurs, comme l’hôtellerie, l’avancée des objets connectés est plus importante. Les copropriétés vont y venir aussi, ajoute Julien Gutfreund. Nous avons certains clients qui nous demandent d’utiliser leur propre solution comme des outils de ticketing. Il va falloir gérer une multiplicité de situations avec des outils internes à l’entreprise de propreté et ceux déjà en place sur les chantiers. » Pour lui, c’est une problématique pour l’agent de service qui est souvent multi-employeur. Il ne faut pas oublier les personnes qui vont utiliser ces technologies. « La formation des agents est incontournable dans ce domaine même avec des solutions simplifiées », souligne le dirigeant.
« Il n'est pas toujours aisé d'interpréter les données pour qu'elles soient utiles, ajoute Stéphane Martin. De nouveaux métiers vont se créer dans nos entreprises. Il faut aussi accompagner nos équipes. Un changement de culture doit être opéré dans les entreprises, C’est aussi l’occasion de remettre à plat notre façon de travail. Cette évolution doit améliorer les conditions de travail des salariés tout en les valorisant. »
L'enjeu de l'interopérabilité

L'Oiseau Blanc
Stéphane Martin,
Les entreprises de propreté sont face à une offre pléthorique de solutions sur le marché. « Il est primordial que la solution réponde à un réel besoin », estime Julien Gutfreund. La FEP propose un outil pour les aider à choisir et à dimensionner l'ERP.
« La principale donnée est celle de la présence sur site avec le pointage, explique Momar Mbaye. Les clients demandent de plus en plus aux entreprises de propreté de mettre à disposition des données, ce qui nécessite la mise en place de système sur site. » Un système de gestion ou un ERP a pour but de transmettre des données sur le terrain et de les faire remonter. Cet outil global doit permettre de prendre des décisions rapidement et de piloter l'entreprise. Il est important d'avoir un système ouvert pour envoyer et recevoir des informations (avec des API), puis capable de les analyser. « Le premier critère de choix est l'interopérabilité, insiste-t-il. La pluralité des outils ne permet pas une gestion agile. » Le groupe Senef a recruté une data scientist dédiée, capable de connaître la pertinence des données et de les traiter. Il est important que l'éditeur du logiciel, l'entreprise de propreté et le client échangent pour savoir quelles sont les datas les plus importantes.

Allo Nettoyage
Julien Gutfreund,
« Corréler les données entre elles crée des informations qui ont de la valeur », complète Jean Piedanna. Pour y parvenir, les différentes solutions présentes sur un site doivent pouvoir fonctionner entre elles. « Les API permettent de mettre en place des passerelles sécurisées et les données mises à disposition sont formatées de la même façon et en temps réel, poursuit-il. Des données sur une autolaveuse corrélées avec des éléments de pointage et de contrôle qualité naissent des informations intéressantes. » Il serait souhaitable à terme d'avoir une seule et unique plateforme centrale collectant toutes les données terrain, qui seront corrélées entre elles et transférées vers un logiciel métier. « Des partenariats sont envisageables pour travailler ensemble et mettre à disposition du client une solution unique », souligne Jean Piedanna.
Aux États-Unis, il existe un regroupement d'éditeurs qui ont mis en place un système d'échanges de datas. « Il faudrait qu'une telle démarche existe aussi en Europe, indique Momar Mbaye. On pourrait imaginer la création d’un label ou d'une charte dans un premier temps. » Le but n’est pas de remplacer tout l’existant mais parfois simplement s’interfacer. « Le second critère de choix est d’avoir un système très évolutif car les métiers de la propreté changent. Des mises à jour doivent être réalisées très régulièrement », indique-t-il. « Un label ou une norme serait l’idéal pour que les entreprises de propreté puissent choisir en toute tranquillité », confirme Jean Piedanna.
Replay disponibles sur la chaîne Youtube de Services Magazine
https://www.youtube.com/watch?v=AxfbjIN-Y5s&list=PLrtE0VbV95Ux-i73H9pfWa1-ESuuBavGj
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